Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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est plongée; vous savez qu’il détermina la guerre d'Amérique par son fatal système de crédit, qui coûte aujourd'hui au pays plus d’un milliard et demi, et cent trente millions d'intérêts. Heureusement qu’on ne peut plus mettre en usage cette ressource perfide. Deux essais viennent d’échouer; la nation, plus éclairée que ses représentants et un ministre qui ne connaît que la banque et l’agio, voit enfin que ces emprunts l'ont jetée dans l’abîme et que ce serait entièrement consommer sa ruine que de s’y prêter davantage.» Après lui avoir longuement exposé ses idées sur la réforme des impôts, il termine: « Tels sont les sentiments qui me liaient depuis plus de trente ans, de la plus tendre amitié, avec le respectable Ami des hommes; tels sont ceux avec lesquels j'ai l'honneur d’être de son héritier, le très-humble serviteur. »

Butré ne semblait pas se douter que le plus mauvais moyen d’intéresser Mirabeau à ses systèmes économiques, c'était de les mettre sous le patronage posthume de l’homme qui Pavait poursuivi toute sa vie d’une haine vivace, et qui, s’il avait été l'Ami des hommes, avait été le pire ennemi de son fils, si l’on excepte ce dernier lui-même.

Nul doute que la correspondance d'alors du surintendant des plantations d’Ettlingen ne renfermât bien d’autres épanchements analogues, mais ils sont perdus aujourd’hui. Ceux que nous venons de citer suffisent d’ailleurs, ce me semble, pour donner la note exacte des sentiments de Butré à cette époque précise. Il est resté l'adversaire inexorable de la fiscalité de l’ancien régime, mais il n’a que des sympathies médiocres pour les luttes d'ordre exclusivement politique, qui se poursuivent, à Versailles d’abord, puis dans l’ancienne Orangerie des Tuileries. Si donc nous le voyons quitter le margraviat au commencement de mars 1790 et se diriger vers la capitale française, nous pouvons être assurés que ce n’est plus, comme un an auparavant, une curiosité inquiète qui le pousse, mais qu’il entreprend simplement un voyage d’affaires.