Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

NS —

Ce n'était pas, d’ailleurs, l’économie politique seule qui lassait à ce moment Butré, fatigué qu'il était, souffrant et morose. Nous retrouvons la trace d’une disposition misanthropique plus générale dans quelques autres lettres écrites dans le cours de l'été 1787, et se rapportant à la franc-maçonnerie. Il paraîtrait que dans l’un deses récents séjours à Paris, notre physiocrate avait revu son ancien collaborateur en science hermétique Clavier-Duplessis ! et repris avec lui une correspondance, en vue d'amener une fusion de certaines loges de France etd’Allemagne. Il s'était même fait affilier à celle des Amis réunis de Paris, mais il reconnut bientôt tout le vide des mystères maçonniques ; on le voit par une lettre adressée à M. Savalette de Lange, et traitant de questions maçonniques diverses. Après lui avoir exposé sa manière de voir, il ajoute: « Je désire fort qu’elle (ma lettre) ne soit pas communiquée au Convent, ne voulant avoir de relation qu'avec vous sur cet objet important, la vraie lumière ne pouvant jamais se trouver et n'étant sûrement pas dans une société quelconque, et se trouvant aujourd'hui possédée par un très-petit nombre de particuliers isolés, qui ne viendront pas la manifester à aucune assemblée, bien certains de n’en recueillir aucun fruit et que ce serait en pure perte. [ls ne peuvent se manifester qu’à de vrais clairvoyants, qui, comme eux, se sont bien pénétrés de la haute importance des grands mystères de la vraie science. » Et il terminait par cette parole mélancolique : « Parcourant sans cesse l’Europe, et y scrutant partout les cœurs, je vois avec peine combien peu l’on doit compter sur les hommes. »°

L'hiver de 1787 à 1788 vit Butré tantôt à Strasbourg, tantôt

1 Clavier était alors liquidateur des pensions au Trésor royal, rue Saint-Honoré; la correspondance n’a d’ailleurs rien de bien cordial et conserve un ton froid et officiel. Il n’en subsiste que peu de lettres, dont il est parfois difficile de deviner le sens. J’ai cru comprendre qu’il s'agissait de ce que j’ai indiqué dans mon récit.

3 Lettre du 9 mai 1787.