Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

LÉGISLATIVE (30 MAI 1792) 353

aimable, chez laquelle est le rendez-vous des patriotes : grand diner, grand souper, danse. Le mardi, diner, visite à la femme en couche, escorte nombreuse à pied et à cheval, à mon départ comme à mon arrivée.

C’est une des fêtes les plus patriotiques que j’ai vues. Maïs la municipalité sera longtemps un obstacle à la tranquillité de cette ville, dont l'esprit est bon. Je suis revenu hier au soir, excédé de fatigue, ayant laissé la promesse d’y retourner le premier dimanche de juillet, jour du rassemblement des bataillons du canton et de toutes les provinces qui viendront pour la confirmation. Si la municipalité n'avait pas cédé, il eût été difficile d'empêcher qu'elle ne fût insultée : c'était un moment de crise.

Les ennemis de la Constitution ont toujours promis que la contre-révolution se ferait fort doucement, sans beaucoup d’effusion de sang. Est-ce pour acquitter cette promesse qu'on multiplie ces petits combats où nous sommes toujours inférieurs? On espère, à la faveur de ces échecs, décourager la nation, enhardir Îles ennemis du dedans.

Hier au soir, à mon arrivée, on répandit des inquiétudes sur l'existence des troubles à Paris : ce matin, ces bruits courent encore. J'ignore ce qui en est et presque ce qu'on en dit ici.

Nos réfractaires devaient être consternés; on me dit qu’ils sont furieux ici. Dimanche, en prêchant, j'invitai à ne pas les dénoncer légèrement. J'annonçai que, si ces messieurs voulaient se rassembler dans la plus vaste maison de la ville pour éviter les soupçons élevés contre eux, je m'offrais pour leur caution ; que je consentais à demeurer avec eux, pour leur prouver que les amis de la Constitution sont aussi les amis de la religion et de l’humanité. Mon discours fit une sensation touchante et agréable aux auditeurs. Les réfractaires n’y étaient pas,

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