Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

370 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

La Révolution nous mène loin : gare la loi agraire!... Les mœurs vont devenir féroces. Le peuple, irrité par ses malheurs, sera agité par bien des instruments de discorde. Voici un trait de patriotisme d'un citoyen de notre département qui mérite d'être connu. Guillaume Lefortier, de Cormeilles, district de Pont-Audemer, âgé de cinquante-huit ans, ayant servi dans les cuirassiers dans sa jeunesse, a eu quatorze enfants dont huit sont vivants : trois de ses fils, par son conseil, sont dans le second bataillon des volontaires de l'Eure. Il s’est inscrit au nombre des volontaires, avec son quatrième fils pour voler au secours de la patrie en danger. Son désintéressement égale son dévouement : il a refusé de prendre part à la souscription qui a été faite dans son canton, en faveur des volontaires. Si la France a bien des citoyens de ce caractère, elle sera invincible; je l'ai vu avec bien du plaisir à son passage à Évreux.

CCXXXVII. — Au même. Évreux, le 23 août 1792.

Mon frère, on a reçu ici le nouveau.décret, et Bernay sera le lieu de l'assemblée électorale. J'irai, si je suis nommé électeur; sinon, non. Le sort de la France dépend du choix des nouveaux députés, ce choix pourra-t-il être bon? Le peuple ne connait presque personne. On voit bien des intrigants qui tombent en discrédit après quelques essais; bien des gens n ’ont pas été mis à l'épreuve.

Ce sera bien l'affaire du hasard, si les choix nouveaux valent mieux que les précédents. Paris dirigera tout ou s’emparera de tout:

Chacun ici imagine Voir voler les têtes; on ne parle que de suppliciés; vos juges iront vite; mais ils se donneront la peine d'examiner les procès,