Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.
A LORD LANSDOWNE. 423
Depuis que la guerre a été déclarée entre l'Angleterre et la France par l'accession de la Grande-Bretagne dans la coalition des puissances du continent, les discours du peuple américain, les conversations de toutes les classes, la très grande majorité des papiers publics, les actes mêmes du gouvernement américain semblent découvrir une forte inclination pour la nation française, et pour le nom anglais une aversion qui peut à peine être contenue dans les bornes de la neutralité.
Écoutez les récits de tous ceux qui furent soldats dans la guerre américaine. Avec quel enthousiasme ils parlent encore de ces généreux frères d'armes qui traversèrent l'Atlantique pour venir les fortifier de leur alliance, combattre avec eux en faveur de la liberté! Ils se rappellent avec le souvenir de l'indignation les cruautés d’une guerre faite par une puissance qui s’appelait la mère patrie et qui n’avait pas honte de se faire assister des sauvages : et ce que chacun raconte, c’est ce dont il a été spectateur ou victime. Les titres des grades militaires sont restés attachés au nom de tous les citoyens qui existaient alors, car tous prirent les armes, et le peuple combattant en masse n’était plus qu'une nombreuse armée. Ces titres militaires sont encore autant de monuments de cette guerre qui frappent fortement l'esprit du voyageur : il ne s'étonne plus d'entendre tant de vœux formés pour les succès de la France, de lire dans les papiers tant de preuves de partialité contre l'Angleterre, enfin de voir, entre les mains du gouvernement le plus ami de la paix, la