Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

A LORD LANSDOWNE. 445

sans plan et sans méthode. Vous classerez ces matériaux, Milord, et vous trouverez, jose le croire, loccasion de les employer dans un grand système. Aujourd’hui, c'est d’un homme que je veux vous parler; d’un homme qui n'a paru assez frappant pour mériter votre attention. Vous avez beaucoup vu d'hommes, vous en avez employé beaucoup; ainsi vous savez qu'ils sont rares, ceux qui portent avec eux une valeur réelle, et qui peuvent être essentiels aux grandes affaires. Tel est, je pense, celui dont je veux vous entretenir.

Au mois de septembre de l’année dernière, il est arrivé d'Angleterre à New-York M. Thomas Law, frère d’un membre du Parlement et d'un avocat distingué d'Angleterre. Il avait été employé de la Compagnie des Indes ; il passait pour un homme de fortune ; il venait pour s'établir en Amérique et débutait par acheter une maison à New-York. Le hasard me l’a fait rencontrer. Un voyage de six semaines dans l’intérieur des terres nous a tenus continuellement en présence ; et une circonstance singulière m'ayant donné de bonne heure une opinion peu commune de la moralité et de l'élévation de ses sentiments, je me suis attaché à le bien connaître, et j'ai fini par me lier étroitement avec lui.

M. Law est âgé de trente-six ans. Il a passé quatorze ans dans l'Inde; il était collecteur des revenus, chef juge et magistrat au Bengale dans le district de Gya et Patna, lorsque milord Cornwallis fut envoyé