Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
26 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE
fäché de provoquer, par l’éclat de son départ, des doutes sur cette connivence (1, 69). « La colère des gouvernements, dit-il, fut au comble. » (/b.) C'est vrai pour l'Angleterre; mais Vergennes craignit seulement que cette démarche intempestive d’un officier français équipant à ses frais un navire et conduisant un petit état-major en Amérique, n’éventt ses plans et ses préparatifs arrêtés depuis son entrée au ministère. La Fayette croit qu’on voulut l’'empécher de parür. Il est vrai que deux demandes d'autorisation, en décembre 1776 et en janvier 1777, avaient été rejetées ostensiblement par le gouvernement; mais c’étaient là des « précautions prises pour être montrées! » et dissimuler diplomatiquement un consentement réel. Après son embarquement, le 20 avril, il y eut bien un ordre envoyé pour l'arrêter dans l’une des trois Antilles qui nous restaient, mais on ne fit qu'une seule expédition de l’ordre et on mit toute la mollesse désirable à le faire exécuter. Enfin il est vrai que ce départ fut un coup de théâtre, mais il ne détermina ni la naissance d’un courant d'opinion favorable à l'Amérique, ni les résolutions du gouvernement français. L'opinion publique, soigneusement tenue à l'écart de toute information, accusait depuis longtemps le gouvernement de timidité, et Vergennes, en particulier, d’indifférence. Mais celui-ci, décidé à l’action depuis trois ans, avait devancé l’opinion et même déjà mesuré les conséquences politiques d’une intervention en Amérique. « L'esprit de révolte, écrit-il (23 juillet 1775), en quelque endroit qu'il éclate, est toujours d'un dangereux exemple : il en est des maladies morales comme des maladies.
1. Doxtror, 1bid., I, 669.