Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
42 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE
vraient en France les états généraux. La Fayette, engagé dès lors dans l’action, ne put suivre que de loin le développement de la constitution américaine. Mais ce qu'il en approuva le plus, fut ce qu'elle avait de moins démocratique : le Sénat et le régime censitaire. Il est à remarquer, en effet, que plus un pouvoir est loin de l'électeur, plus il a d'autorité, aux États-Unis. La Chambre est seule nommée au suffrage direct et pour deux ans; le président l’est pour quatre, et au second degré, par des électeurs spéciaux; mais le Sénat est nommé pour six ans à raison de deux sénateurs par État, quelle que soit la population, et au second degré, non par des électeurs élus eux-mêmes à cet effet, mais par les législatures des États. C’est là ce qu’admire La Fayette? : il regrette que la Constituante ait admis l'unité de Chambre (III, 231). « J'avais vu, dit-il, les divers États-Unis, dans une première ferveur de démocraüe, et sur le respectable avis de Franklin, commettre la même erreur, la reconnaître ensuite et la réparer. » Il eût voulu, en France, d’après l'exemple de l'Amérique, « deux Chambres électives, dont lune, par sa composition et sa durée, présentât une barrière à l’impétuosité démocratique de l’autre. »
Un autre principe de la constitution américaine est de faire appel à l'électeur le moins souvent possible*, et, pour cela, il y a toujours un vice-président en réserve en cas de disparition du président. Mais les députés au congrès ne sont pas forcément issus
1. Cf. Bouruy, loco cit., p. 182.
2. « Je lis très attentivement et avec un inexprimable intérêt la constitution nouvellement préparée (17 sept. 1787). Je l'ai admirée, et je trouve que les différents modes d'élection pour les deux Chambres du congrès
sont heureusement calculés. » ([I, 216.) 3. Bourury, cbid.