Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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atteint en 1789 et se montrait réfractaire à toute continuation de mouvement qui, après avoir installé au pouvoir la bourgeoisie, pût y amener le « quatrième état ». Il n'y a plus, selon lui, en France, à la fin du siècle, que deux sortes d'hommes, « ceux qui forment, sous l’étendard constitutionnel, la triple alliance de la liberté, de l'égalité et de l’ordre public sanctionné par la masse générale des citoyens, qui, salisfaits de la révolution, ne demandent plus qu'à jouir avec sécurité de ses avantages », et en face d'eux «les fauteurs et les instruments de la licence qui, après s'être fortifiés par l'anarchie, :sont parvenus à régner par la terreur. » (IT, 239.)

Telle est l'éducation que l'Amérique fournit à La Fayette. Certes, le nombre, la variété et la solidité de ses idées avaient augmenté, mais pas au point de faire de luile chef désigné d’un parti politique capable d'instruire les siens de sa propre expérience, et de leur faire sentir la direction de sa volonté au service de hautes idées. Encore moins La Fayette était-il républicain avant 1789. Au moment où commençait le développement normal de la constitution américaine, il était lui-même attentif aux premiers actes de la révolution francaise, et la divergence des situations, en s’accentuant tous les jours, allait lui montrer le peu de profit qu’il pouvait tirer de son expérience américaine, si faible et si incomplète. Aux États-Unis, la nation avait été unifiée et, pour ainsi dire, créée par sa constitution, et il s'agissait de faire vivre ensemble les membres d'une union qui navaient pour elle que de la répugnance. En France, l'unité est faite depuis longtemps, et c’est le fédéralisme qui fait horreur. D'un côté, le but est d’armer le pouvoir d’une autorité suffisante pour qu'il pré-