Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
ÉTUDE PSYGHOLOGIQUE 49
France. Cela lui sembla d'autant plus probable que l'effort pour réagir contre le passé était plus grand à fournir. Non seulement il se défiait du peuple, comme les Américains, qui étaient alors « des démocrates à rebours” », mais il le supposait capable de se laisser évincer de la révolution après l’avoir faite. De même que la convention de Philadelphie, en 1787, avait employé toute son ingéniosité à organiser le conflit entre les pouvoirs publics de façon à rendre tout progres très difficile, de même La Fayette et ses amis crurent avoir arrêté la révolution en supprimant dans l’organisation départementale tout agent du pouvoir central et en confiant l'autorité aux directoires, émanations de la bourgeoisie (décret du 22 décembre 1789), puis en excluant des élections (14 décembre 1789) les citoyens, dits « passifs », qui, le 14 juillet, avaient sauvé l'assemblée en prenant la Bastille, et, le 5 octobre, sauvé la révolution en obligeant le roi à venir à Paris et à accepter la constitution. Ainsi, porté par une imagination optimiste à prévoir et à retenir exclusivement dans ses vues sur le devenir des événements les éventualités favorables, et trop confiant dans ses forces et celles de son part, il crut que la révolution serait accomplie en un jour et qu'il suffirait à la terminer. « Ma profession de foi du 11 juillet 1789, fruit de ma vie passée, gage de ma vie future, fut à la fois un manifeste et un wllimaum. Pour moi, tout ce qui la blesse est inadmissible, tout ce qui ne la touche pas n’est que secondaire. Elle précéda de trois jours l'insurrection nationale, la dernière qui fût nécessaire, et la dernière que j'aie voulue. » (III, 227.) Ainsi La Fayette croyait l'idéal
1. Ibid., p. 182.