Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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un discours ; étonné de la facilité de son élocution : « Que ne prends-tu donc l’état d'avocat, lui dit-il, si tu te sens les dispositions nécessaires pour.y réussir? » — Quelle révélation! et quel avenir ouvert devant lui! Mais, hélas! il est pauvre : n'est-ce point encore une chimère? — « Je ne demanderais pas mieux, répond-il ; mais comment subvenir à ma dépense jusqu’à ce que je sois en état de plaider ? » — « Jet'aiderai, » dit M. Alluaud, qui est son second père, et va devenir sa seconde Providence (1). De ce jour, Messieurs, Vergniaud nous appartient,
Il arrive à Bordeaux le 21 avril 1780, résolu à consacrer tout son temps à l'étude, à « faire tous ses efforts pour mériter ce que fait pour lui son beau-frère, et pour effacer la mauvaise impression que sa conduite pourrait lui avoir laissée sur son compte (2). » Ilse met en quête d’une place chez un procureur, où d’un cabinet d'avocat, où il puisse s'initier à la pratique des affaires, en même temps qu'il fera, en moins de deux ans, son droit, par bénéfice d'âge. Déjà il assiste aux audiences : il écoute, il admire, et voudrait pouvoir, lui aussi, aborder la barre. « Je ne vous cacherai pas, écrit-il, que l'habitude d'entendre plaider tous les jours me donne une envie démesurée d'entrer le plus tôt possible en lice (3). » Et vous savez, Messieurs, comment se nomment ces adversaires avec lesquels déjà il voudrait se mesurer : ce sont des orateurs, des jurisconsultes tels que Duranteau, Garat, Cazalet, Guillaume Brochon, Martignac père; c'est Romain Desèze, qui porte dignement un nom sur lequel il va jeter un nouvel et plus brillant éclat. C'est qu'en les entendant, il a bien vite reconnu qu'il est de leur famille, il s'est senti orateur.
Isolé cependant et livré à lui-même, Vergniaud avait besoin d'un guide et d’un appui dans la diffiale carrière
(1) Notice de M. Alluaud, ibid, p. 4. {2) Lettre n° 7, 22 avril 1780, p. 24. (3) Lettre n° 10, 15 juillet 1780, p. 5.