Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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tenant pour arrêter un élan qu'elle a si follement excité ! (1).
Mais, Messieurs, tous les reproches qu’on a adressés à Vergniaud sont-ils bien justes? Etn'y pouvons-nous découvrir cette même passion qu'on prétend trouver en lui ? Est-ce pour mieux renverser Louis X VI qu'il s’est associe à la déclaration de guerre ? Jeu terrible, que se permettent parfois les partis, et où le sort de la patrie est l'enjeu! Mais comment at-on pu lancer contre Vergniaud une pareille accusation ? C'est un Anglais qui l’a dit, un Anglais ami de son pays, et historien éminent : la guerre contre la coalition européenne fut, au début, pour la France, une guerre défensive, partant une guerre légitime : «Il s'agissait, ajoute lord Macaulay, de savoir si la France devait appartenir à la France (2).» Bien avant l’avénementdu ministère Girondin, la nécessité d’une politique ferme à l'égard des puissances était apparue, sinon à tous les amis du roi, du moins au parti constitutionnel : telle fut la raison d’être de M. de Narbonne ; et, s’il s'éleva peut-être au ministère par l’influence d’une femme, il y fut certainement soutenu par le sentiment national. Louis X VI lui-même comprit un moment ce qu’exigeaient de lui son rôle et même son intérêt bien entendu. Mais telles étaient la contradiction et la fatalité du sort qui lui était fait, qu’il ne pouvait se sauver qu'en luttant contre ceux-là mêmes qui s'armaient pour le défendre !
Quant à Vergniaud, qui s'était écrié, dès son entrée à l'Assemblée : « Abhorrez la guerre, elle est le plus grand crime des hommes et le plus terrible fléau de lhumanité! (3), » il vit dans cette même guerre une nécessité
(1) Nous avons à peine besoin de faire observer qu'ici nous anticipons un peu. sur les événements, nous attachant surtout aux modifications de l'opinion de Vergniaud, qui, dans les diverses circonstances que nous venons de rappeler, s’est montré l'allié des Jacobins.
(2) Macaulay, Biographical Essays, Tauchnitz édition, p. 210, Bertrand Barère.
+ (5) Projet d'adresse au peuple français, présenté par Vergniaud à l'Assemblée nationale, le 27 décembre 1791. (Moniteur du 11 janvier 4792.)