Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
—49i—
Révolutionnaire se souviendra, — ne pense à la République que par défiance et par désespoir, et qu’il est prêt à se réconcilier avec Louis XVI, s’il veut lui-même se réconcilier avec la Constitution, avec la liberté, avec la patrie.
Mais cette voix ne fut point entendue : on avait été effrayé de la menace, on ne voulut pas croire à la sincérité des avis donnés pour conjurer le péril. Et voyez, Messieurs, quel singulier aveuglement, quelle incroyable folie ! N'est-ce point là le délire que le ciel envoie à ceux dont il a décidé la perte? La reine, autrefois, a repoussé la main de Lafayette, elle lui a préféré Pétion..……. Le croiriez-vous ? Pendant qu'on dédaigne les conseils d’un homme de talent et de cœur, on a des conférences avec les meneurs Jacobins; pendant qu’on refuse d'écouter Vergniaud, on négocie avec Danton, Danton’ qui se laisse corrompre, mais non pas attacher par les dons de la Cour!
Vous savez, Messieurs, comment s’accomplit la destinée de la monarchie : un jour vit disparaître ce pouvoir séculaire ; et Louis XVI, pour échapper aux fureurs du peuple, vint implorer l’altière protection de l’Assemblée. Vergniaud présidait : devant tant de grandeur et de misère, il n'eut que du respect et de la pitié. Mais il fallait pourvoir au gouvernement ; et l’Assemblée, à qui ni son mandat, ni son serment ne permettaient d'en changer la forme, n'avait plus qu'à se retirer. Vergniaud descend du fauteuil, et vient proposer un décret portant convocation d'une Convention Nationale, et suspension provisoire du chef du pouvoir exécutif. Le roi ne quitta que pour la prison du Temple la loge qu'on lui avait donnée pour asile, et où il avait pu, silencieux et impassible, assister à l’écroulement de son trône.
On confia le pouvoir à Roland et à ses amis, pour qui les événements semblaient une revanche; mais on dut, pour complaire aux véritables vainqueurs du 10 août, leur adjoindre Danton, le Mirabeau de la populace, « entré au ministère par la brèche des Tuileries. »