Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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« Ce tour d’espaule, » dont parle Montaigne, et que je serais, pour ma part, bien impuissant à « prester » à Vergniaud, il n’en a pas, grâce à Dieu, besoin, et je n'essaierai point de le « haulser. » Au reste, l’histoire ne doit à tous, même aux meilleurs, que la justice; et les grands hommes nous sont un exemple utile, aussi bien par leurs fautes que par leurs belles actions.
Je voudrais, Messieurs, en me dégageant de toute préoccupation indigne d’une pareille œuvre et de vous, remettre en lumière cette noble figure, que la gloire si libéralement répandue sur celle de Mirabeau à trop effacée. Moins curieux de controverses stériles et irritantes que du spectacle d’un homme de génie se développant avec les circonstances,
‘s'inspirant de l'esprit de son temps, et y puisant la force de résister aux passions populaires, saccombant dans une lutte sans espoir, mais grandissant encore dans la chute comme d’autres dans le triomphe, nous ne nous arrèêterons aux graves événements auxquels fut mêlé Vergniaud, que pour mieux marquer la place d'honneur qui lui revient parmi les illustrations de la tribune française.
Mais je veux me souvenir que, suivant le témoignage qui lui fut rendu par un contemporain, son collègue à la Convention, Vergniaud eut une âme bien supérieure encore à son talent : en même temps que nous étudierons ce beau talent, nous admirerons cette grande âme.
Je veux aussi, Messieurs, et avant tout, me souvenir qu'il fut un des nôtres, que c’est à notre ordre, que c'est à ce barreau qu'il dut sa renommée, etqu'il donna, en retour, une part de sa gloire : en louant l'orateur de la Gironde, je ne veux ni ne puis oublier l'avocat Bordelais.
C'est ainsi, mes chers Confrères, que cette étude pourra présenter pour nous quelque utilité ; c’est ainsi, du moins que j'espère me rendre moins indigne et des suffrages dont vous m'avez honoré, et d’une bienveillance dont j'ai tant besoin pour remplir la tâche qu'ils m'ont imposée.