Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE VICOMTE DE NOAILLES 59

me dit qu'ils s’assemblent pour exprimer leurs douleurssur ce qui n’est plus... Ne serait-il pas plus convenable de se réunir pour bonifier ce qui existe (1)?

N'est-ce pas le langage de tous les modernes démocrates ? Il est vrai que de leurs actes à leurs paroles il y a quelque distance.

Socialement enfin, Noaïilles est un précurseur. Il sent que le monde qui s’en va sera remplacé par un monde où la richesse, voire même l’aisance, n’iront qu'aux laborieux :

Le travail et l’industrie sont d'autant plus nécessaires aujourd'hui qu’il y a une grande émulation et que ces distinctions absurdes qui plaçaient la naissance n'existent plus (2).

Un gentilhomme doit travailler ; qu’il devienne banquier, commerçant, industriel ou homme delettres, il ne sera pas déshonoré, bien au contraire; et du moins il conservera l'éclat de sa fortune! Le 10 mai 1800, il donne à M. Grelé cette consultation :

J'ai encouragé le plan de mettre Alexis chez M. Pérignan pour qu’il y apprenne le commerce.

Certes, le métier d’un boutiquier qui taille à l’aulne ou qui vend au détail n’est pas bien désirable; mais l'emploi d’un négociant qui embrasse le commerce du monde entier, qui correspond avec tout l’univers, qui, par l’échange des denrées, y porte l'abondance, est très important à la société. Dans cette situation il est possible de développer de gran-

(4) Noaiïlles à son fils Albert, février 1802. (Communiquée.) (2) Noailles à son fils Albert, 18 décembre 1800.