Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française
LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 33
au moins!. » Le 2r du même mois, après le meurtre du boulanger François, il note sur son Journal : « Il n’est pas dans l’ordre habituel de la Divine Providence de laisser impunies de pareilles abominations. Paris est peut-être le lieu le plus dépravé qui existe. Inceste, assassinat, bestialité, fraude, rapine, oppression, bassesse, cruauté: et cependant c'est la ville qui a fait marcher en avant la cause sacrée de la liberté.
Une fois écartée la pression du despotisme qui pesaitsur eux, chaque passion mauvaise déploie son énergie particulière. Le ciel sait comment finira le conflit. Mal, je le crains, c'est-àdire en esclavage ?. »
C'est seulement en novembre 1790 qu'il laisse entrevoir que d’autres pourraient bien profiter de l'anarchie et en rccueillir les fruits : « Ici nos conjectures peuvent errer dans un espace sans bornes. Le calcul ne peut point déterminer quelle somme de misère il faudra pour changer la volonté du peuple. Quelles circonstances pourront se produire dans l’ordre des décrets divins, pour donner une direction à cette volonté, c'est ce que la vue la plus perçante ne peut découvrir. Quels talents se révèleront pour se saisir de ces circonstances et diriger cette volonté, et surtout pour modérer le pouvoir que celte volonté conférera nécessairement, nous l’ignorons également ÿ. »
Mais c’est en 1792 que sa vue de l'avenir devient claire. Le 16 maide cette année-là ilécritcette note, déjà citée en partie : « La France est sur le grand chemin qui mène au despotisme... Les avocats les plus ardents de la Révolution appellent maintenant de leurs vœux, de leurs prières et de leurs cris l'établissement d’un pouvoir despotique, comme le seul moyen d'assurer la vie et la propriété des genst. » Et le 10 juin suivant, dans une lettre officielle à Jefferson, secrétaire d'Etat, il établit que la monarchie issue de la Révolution sera un despotisme militaire : « Il est notoire que la grande masse de la nation française est moins soucieuse de maintenir le présent ordre de choses que d'éviter le retour des anciennes
1. TI, p. 198. — 2. T. I, p. 200. DT p. 360. — 4. T. I, p.033.
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