Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DE LÉDIT DE TOLÉRANCE JUSQU'À LA CHUTÉ DE NAPOLÉON 113

En effet, dès que la séparation de l’État et des Églises fut sincèrement pratiquée par le pouvoir civil, dès que les Consuls eurent pris des arrêtés rouvrant aux déportés les portes de la patrie (3 nivôse an VID), garantissant aux ministres du culte l’usage des églises, et l'observation du dimanche (7 nivôse); et substituant au serment prescrit par le décret du 19 fructidor ce simple engagement : « Je promets fidélité à la Constitution », ce fut de toutes parts un concert d'éloges et de reconnaissance en l’honneur du premier consul, ce qui prouve qu’on n’en demandait pas davantage.

Qui donc avait intérêt À restaurer une Église concordataire? Ce n'étaient certes ni les philosophes et les déistes, qui avaient été l’objet des anathèmes impuissants des dernières assemblées du clergé, ni le clergé constitutionnel, dont les avances et les hommages au Saint-Siège avaient toujours été repoussées avec dédain ; ce n'étaient même pas les curés insermentés, qui avaient été abandonnés par la grande majorité des évêques de l’ancien régime et qui auraient bien pu s’en passer et se contenter du régime des vicariats apostoliques.

I n'y avait qu'un homme en France qui voulût renouer les liens de l'Église et de l'État. C'était le Premier Consul car, avec son génie politique, il avait deviné quel parti il tirerait de celte alliance pour ses desseins ambitieux. Il pouvait opter entre l'Église conslitutionnelle, le catholicisme romain, et le protestantisme. Il ne fat pas long à faire son choix. Du protestantisme, il ne savait rien, sinon que c’élait la religion des Anglais, nos ennemis les plus acharnés d'alors. — Il aurait pu songer à faire de l’Église constitutionnelleune Église nationale, comme l'Église anglicane ou l'Église russe, avec un patriarche à sa tête, mais le caractère électif du clergé ne lui convenait pas. — Restait le catholicisme ultramontain, dont l’organisation hiérarchique répondait à ses instincts d’autocrate. Ce qu'il lui fallait, c'étaitune Église disciplinée comme un régiment, à condition que le colonel de ce régiment fût à ses ordres : « Avec les armées françaises et des égards, » disait-il du Pape, « j'en serai toujours le maître. Quand je

Boxrer-Maury. 8