Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

118 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

Au cours de cette guerre entre les deux pouvoirs, guerre qui rappelle la querelle des investitures, Napoléon, comme jadis les empereurs d'Allemagne, chercha à recruter des alliés parmi les prélats catholiques ; mais s’il réussit à gagner des âmes vénales comme le cardinal Maury et le cardinal Caprara, par l’appât de gros archevêchés, en revanche il rencontra des évêques indépendants, tels que M*' de Broglie, évêque de Gand, M Boulogne, évêque de Troyes, et M#" Hirn, évêque de Tournay, qui défendirent au prix de leur liberté, contre le despote, les droïts imprescriptibles de la conscience. L’empereur n’hésita pas à destituer et faire arrêter les trois évèques récalcitrants, à persécuter les séminaristes et les sœurs de charité, à transporter à Paris vingt-sept cardinaux et à tenir le pape prisonnier à Fontainebleau. Toutes ces violences vinrent se briser devant la douce ténacité du Souverain Pontife, qui refusa jusqu’à la fin de donner les bulles d’institution canonique et fut délivré de son adversaire implacable par la victoire des Alliés (1814).

Ainsi l’Empire, pas plus que la Convention ou le Directoire, n'avait réussi à rétablir entre l’Église catholique et l'État des rapports pacifiques et fondés sur le respect de la liberté de conscience. « La religion catholique sous Bonaparte, « suivant la forte expression de Benjamin-Constant, subit « quatorze ans de servitude! ». Quant à l'Église constitutionnelle, elle avait été la première sacrifiée par le Premier Consul à ses projets ambitieux ; la seule compensation qu’il lui réserva, fut de faire entrer, à grand’peine, dans le nouveau clergé concordataire, une dizaine de ses évêques et un grand nombre de curés assermentés.

Napoléon ne fut guère plus libéral pour les juifs que pour les catholiques. Ils avaient été successivement affranchis de certaines taxes humiliantes, et déclarés citoyens français par les décrets de l’Assemblée constituante (28 janvier) et par la

1. Le jugement de Taine est encore plus sévère ; voir Origines de la France contemporaine. Le régime moderne, à, I.