Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
CONCLUSION 29!
les fois qu’on s’eflorce de la déterminer par des mots étrangers au sentiment ou à la raison, on risque de faire des hypocriles ou des victimes. En d’autres termes, comme l’a dit excellemment un philosophe contemporain, «toute volonté de croire, qui dépasserait la raison de croire, serait comme un mensonge qu'on se ferait à soi-même * ».
Il ne reste donc qu'une voie ouverte au prosélytisme, qui est d'agir sur l'intelligence de ceux qu’on croit dans l'erreur et de les persuader des vérités qui nous sont chères.
Or l’histoire qui précède nous a montré qu'en général, soit pour aller plus vite, soit pour une raison politique, soit par un doute inavoué relatif à la puissance de la vérité, on a négligé cette voie légitime, et que, pour convertir les dissidents ou les prétendus « incrédules », on a eu recours à des violences ou à des séductions. De là, tous les maux de l’intolérance.
Le premier moyen a été l'appel au bras séculier, c’est-àdire l'appui demandé par l'Église au pouvoir civil? Mais, à quel titre réelamait-elle cet appui? Était-ce au nom du principe de la liberté de conscience? Non, mais au nom de l'ordre et du salut public, au nom de la dignité du souverain offensée, disait-on, par la liberté que prenaient certains de ses sujets de professer une religion différente de la sienne ; enfin, en vertu de la vieille maxime: Cujus regio, ejus religio. À ce point de vue, on considérait la religion comme étant un service public, une condition du bon ordre et de la prospérité du pays. La chose publique était intéressée à ce que sur toute l'étendue du territoire, les citoyens pratiquassent le même culte, comme les magistrats institués par le Roi rendaient la justice suivant les mêmes lois et dans la même langue. Dès lors, l'État devait veiller au recrutement des ecclésiastiques et pourvoir à l'entretien du culte officiel. EL quiconque s’écartait de la doctrine ou de la liturgie orthodoxe devenait suspect d’être un ennemi publie et devait être puni avec toute la rigueur des lois. C’est au nom de ces
1. E. Rasrer. Lecons de philosophie, t. I, p. 256.