Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

DE LA THÉOPHILANTHROPIE. 17

Grégoire affirme que cette adresse publiée le Jendemain du jour ou Lareveillère était tombé du pouvoir, produisit généralement une impression fâcheuse ; cela se peut, mais il n’est pas moins certain qu’une affirmation aussi nette, rendue publique quand ceux qui pouvaient la démentir étaient tous vivants, doit être tenue pour vraie. Quant aux faits rapportés par Grégoire et sur lesquels il se fonde pour affirmer que le Directoire protégea l'institution théophilanthropique, ils ne prouvent pas autre chose, sinon que le gouvernement directorial ne vit pas, sans une certaine satisfaction, s'élever une société religieuse rivale. du catholicisme; et qu'un certain nombre d'hommes, de ceux qui briguent les faveurs du pouvoir adhérèrent à la Théophilanthropie dans l’idée d’être agréables par là au directeur théophilanthrope. Il y a loin — on le voit — de là à une protection efficace, exercée par le Directoire sur l'institution, mais la passion religieuse d’une part et la passion politique de l’autre ont trouvé leur compte à présenter la Théophilanthropie comme une sorte de religion d'État opposée au catholicisme, et Lareveillère, comme un chef de secte, un pontife, rival du pape, et que la jalousie seule aurait déterminé à envoyer à Rome le général Berthier, pour détrôner Pie VI. Ce sont là des imputations plus absurdes encore qu’odieuses et qui ne méritent pas d'arrêter un moment l'attention de l'historien. La vérité est que Lareveillère avait adhéré à la Théophilanthropie, par amour de la vérité, par besoin d’adoration, de culte, en dehors de toute préoccupation étrangère au motif religieux; il était du nombre, très-considérable alors, de ces hommes dont Ja raison avait repoussé le catholicisme, mais dont le cœur n’avait pas cessé d’être religieux. Un jour, il assistait avec sa femme et ses deux filles au culte protestant, dans l’église du Louvre : « La vue de cette nombreuse « assistance, dit-il, maintenue dans la plus grande décence, ran« gée dans un ordre exact, se levant, s’asseyant aux mêmes ins« tants, ces touchantes prières, ce discours purement moral, ce « chœur de mille ou douze cents voix répétant à l'unisson et avec « un parfait ensemble les louanges du Seigneur, quoique le tem« ple fût entièrement nu, que le ministre eut pour tout habit de

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