Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

DE LA THÉOPHILANTHROPIE. 85

Essayons de nous rendre compte de l'impression générale que produit sur nous la prédication Théophilanthropique.

Ce qui manque évidemment à cette prédication, c’est un sentiment religieux élevé, profond et vivant. Ce n’est pas que la Théophilanthropie ne fasse de l'amour de Dieu le mobile de tous les devoirs, mais, comme nous l'avons vu, l'amour de Dieu dans la doctrine Théophilanthropique, ne repose sur rien, et de fait les prédicateurs Théophilenthropes le réduisent à un vaguesentiment de reconnaissance pour le Créateur. Quant à la confiance filiale pour lui, quant à un abandon joyeux à sa volonté, quant à la prière et aux autres acles de la communion avec Dieu, il n’en saurait être question, et cela par la raison très-simple que la Théophilanthropie, comme le Déisme, méconnaît le rapport permanent de Dieu avec la créature et ne voit pas Dieu dans la conscience. On se rappelle les lignes de Rousseau que je citais tout à l'heure, et dans lesquelles ce philosophe déiste déclare tout haut qu'il ne demande à Dieu, ni de changer pour lui l'ordre naturel qu'il à établi, ni d'agir sur son cœur ; je retrouve textuellement le même morceau, sous Ja forme d’une Élévation, dans le recueil de canliques el odes qui servait au culte Théophilanthropique. Je cite ce morceau du recueil pour montrer combien les écrivains théo* philanthropes étaient accoutumés à chercher leurs inspiratious dans Rousseau :

« Père de la nature, je bénis tes bienfaits, je te remercie de tes dons, j'admire le bel ordre de choses que tu as établi par ta sagesse el que tu maintiens par ta Providence, et je me soumets pour toujours à cet ordre universel (1).

« Je ne te demande pas le pouvoir de bien faire : tu me l'as donné ce pouvoir, et avec lui la conscience pour aimer le bien, Ja raison pour le connaître, la liberté pour le choisir. Je n'aurais donc pas d’excuse, si je faisais le mal. Je ne t’adresserais pas d’indiscrètes prières : tu connais les créatures sorties de tes mains, leurs besoins n’échappent pas plus à tes regards que leurs pensées les plus secrètes. »

(1) Recucil de cantiqnes, hymnes et des peur les fêtes religieuses et morales des Théophilanthropes.