Histoire des deux conspirations du général Malet

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tées avec dédain ; mais iln’en est pas ainsi de celles que je viens de citer. Leur auteur ne pouvait de gaieté de cœur livrer son nom aux loups-cerviers de lempire, qui ne lui eussent fait aucun quartier. Et elles ont cette importance qu’elles peignent admirablement Fétat d’exaspération des esprits contre le régime sanglant issu du guet-apens de Brumaire, et la haïne, trop légitime, hélas! vouée dès-lors au grand nom de Napoléon.

Un poëte du temps, homme de bien par excellence, a parfaitement rendu ce double sentiment. Ce poëte, c’est Népomucène Lemercier. Enthousiasmé des premiers exploits de Bonaparte, Lemercier lui avait voué d’abord une admiration sans bornes, et même une affection sincère. Il l'avait, si je ne me trompe, accompagné en Égypte, et, sous le consulat, il avait accepté de lui la décoration de la Légion d'honneur. Mais il ne tarda pas à découvrir ce que cachait d’égoïsme, de bassesses, de vanités puériles et de passions mesquines la prétendue grandeur d’âme de son héros. Quand Bonaparte eut achevé d’étouffer la République française sous les coussins du trône, le poëte se sentit pris pour lui d'un indéfinissable mépris. Il lui renvoya sa croix d'honneur en y joignant une lettre dont la franchise n’est pas un de ses moindres titres à l’estime publique.