Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)
318 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT
coup de leurs amis volaient aux frontières pour défendre la patrie menacée. Déjà à plusieurs reprises ils avaient ardemment sollicité de leurs parents la permission de contracter un engagement volontaire, mais M. Géraud s'y était jusqu'alors refusé, estimant que leur âge ne leur permettait pas de s'exposer encore aux dangers et aux fatigues de la guerre.
Au mois de mars 1795, les jeunes gens, enflammés de patriotisme, renouvellent leur demande. C'est Edmond qui, comme le plus âgé, prend la parole :
« Nous sommes indifférents sur la manière de marcher à l'ennemi, écrit-il, pourvu que nous y marchions tous deux; nous brülons de nous joindre aux phalanges nationales qui se forment de toute part sous nos veux; défendre la patrie, voilà quel doit être aujourd'hui le premier de tous nos soins, le plus sacré de nos devoirs, le but et le motif de toutes nos démarches. La saison des combats approche, la France entière s'ébranle pour se précipiter sur ses ennemis, toute la jeunesse vole aux armes, et seuls nous languissons dans un lâche repos, seuls nous demeurons spectateurs oisifs et tranquilles de cette généreuse émulation ! »
Touché de ces pressantes instances, M. Géraud cède et écrit à Terrier :
« Nos enfants ont trop bien plaidé leur cause pour que leur mère et moi résistions, nous les vouons à la patrie, quoiqu'il en coûte à nos cœurs. »