L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes
CINQUIÈME PARTIE
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS
Si les hommes et les peuples n’obéissaient qu’à la froide raison, si, après avoir été tant de fois maîtres absolus de leur destin, ils n’avaient pas tant de fois anéanti ce qu'ils venaient de conquérir, on pourrait, on devrait dire que l’épreuve prendra fin le jour où les opérations militaires seront terminées et la victoire complète dans nos mains. [l n’en sera pas ainsi. Une période plus grave, plus solennelle, plus importante commencera, d’où dépendra notre tranquilité, notre bonheur et notre avenir. La paix que nous attendons sera ce que nos plénipotentiaires sauront la faire. Il ne faut pas que ce soit une trêve passagère. Î faut que ce soït une paix aussi durable que la prévoyance la plus affinée et l’expérience des hommes et des choses la plus consommée pourront l’assurer. Elle sera d'autant plus solide que les assises où ils la placeront seront plus inébranlables, que nulle fissure, si petite qu’elle soit, ne pourra s’y faire jour, que nulle supercherie, si diabolique soit-elle, ne pourra l’atteindre et l’ébranler.
«C’est, en effet, après la victoire, qu’il faudra vraiment vaincre (1); c’est à l’heure de la paix que commencera la véritable guerre. Si, à cette heure-là, nous ne profitons pas de tous nos avantages; si nous ne détruisons pas, à tout jamais, jusqu’en ses dernières racines, la puissance militaire d’un ennemi qui est l’ami secret des mauvaises volontés de la terre; si, dès à présent, par un pacte irrévocable, nous ne nous prémunissons point contre notre pitié, notre générosité, notre faiblesse, nos imprudences, nos discordes et nos rivalités futures; si nous laissons, à la bête aux aboïs, une seule issue; si nous lui accordons, par négligence, un seul espoir, une seule occasion de remonter à la surface et de reprendre haleine, tout ce que nous avons fait et souffert : nos ruines, nos sacrifices, nos tortures sans nom comme nos morts sans nombre n’auront de rien servi et seront perdus sans retour. Tout ne sera pas à recommencer, car rien ne recommence et les hasards heureux ne passent pas deux fois; mais tout, sauf notre malheur et toutes ses conséquences, sera comme s’il n'avait jamais été. »
(1) L’Heure du Destin, par Maurice MAETERLINCK (Figaro, 7 mai 1915).