L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes
exclusivement personnels, sans se préoccuper de savoir si les intérêts des autres sont heurtés, blessés ou sacrifiés et seront poussés à la révolte.
Cette thèse n’était pas celle du marquis de San Giuliano; ce ne sera pas celle de ses successeurs (1).
L’opinion italienne est trop lucide pour s’en laisser imposer par des surenchères extravagantes. Arrêter la lente destruction de l’italianité et reprendre les populations de l’autre rive est le rêve sentimental qui anime toutes les classes en Italie. Se faire l'instrument de ces mêmes populations pour favoriser un développement d'influence politique et économique dans la péninsule balkanique et surtout dans l’hinterland actuel des côtes orientales de l’Adriatique est le but qui plaît aux intellectuels et aux hommes politiques italiens. On comprend que l'Italie veuille devenir comme un réservoir des énergies industrielles et commerciales à déverser à travers l’Adriatique, dans l'Orient européen. Qu’elle reprenne l’héritage commercial de Venise, c’est bien. Toute la politique de Venise fut dominée jadis par les besoins de son commerce : elle y à subordonné ses ambitions et ses rêves de conquête. Que l'Italie suive donc cette voie fructueuse; elle y trouvera encore les profits que, durant six cents ans, Venise récolta dans cette mer.
C’est là un but élevé, digne de son passé et de son brillant avenir, qu’elle atteindra sûrement par son ascendant naturel; mais il n’est point besoin pour cela qu’elle foule aux pieds le sentiment national de ses voisins d’en face, de ses amis et futurs clients slaves.
I ne faudrait pas que la réalisation des idées nationales d’une grande Slavie, d’une grande Italie, d’une grande Grèce, d’une grande Bulgarie, etc., en arrive à entrainer comme conséquence l'impossibilité, pour ces nationalités, de se mettre un jour d’accord afin de poursuivre leurs buts communs. Il faut souhaïter la fin de tous les irrédentismes, de tous les pannationalismes qui sont pour l’Europe un sujet permanent de danger.
Il faut souhaiter que les hautes parties contractantes, qui au jour béni de la cessation des hostilités feront valoir leurs justes revendications, apportent chacune, dans leur propre intérêt, une largeur et une générosité de vues qui assureront, avec une longue paix sur les bords de l’Adriatique et ailleurs, l'émancipation définitive des nations trop longtemps opprimées, préface indispensable de la richesse économique.
Telle est la politique des Alliés qui — ainsi que le rappelait récemment Sir
(1) M. de San Giuliano, ministre italien des Affaires étrangères, a prononcé, en février 1913, un important discours à la Chambre des Députés où nous lisons ceci : « La formule les Balkans aux peuples balkaniques est la solution la plus conforme aux intérêts et aux principes généraux de l’Italie, la solution la plus conforme à l’intérêt général et à celui de la paix européenne. 11 faut qu’une telle solution soit le plus tôt possible définitive afin d'assurer, pendant de nombreuses années, la paix dans la péninsule balkanique et en Europe. Ce résultat ne peut être atteint qu’en établissant une assiette territoriale balkanique qui corresponde, le plus possible, aux conditions ethnographiques et géographiques des pays, aux désirs et aux intérêts des populations. .
« Aucune puissance, grande ou petite, ne peut espérer ou prétendre que tous ses intérêts et tous ses désirs soient entièrement satisfaits. Mais il est nécessaire que chacun fasse quelques sacrifices partiels, et que les intérêts divergents, les aspirations diverses soient conciliés par une série complexe de transactions réciproques. » (Voir Le Temps du 24 févr. 1913.)