La caricature anglaise au temps de la Révolution française et de Napoléon

LA CARICATURE ANGLAISE 503

au trésor leurs offrandes patriotiques, dans l’effroi que leur cause à toutes, surtout aux plus vieilles et aux plus laides, l’arrivée de Bonaparte et de ses audacieux soldats. Ce n'est pas une caricature d'intention, c’est l'expression vraie, avec quelques détails un peu chargés pour l’amusement du public, d'une ardeur aux souscriptions volontaires qui a existé réellement alors.

Quand la menace s'est déversée sur l'Egypte, Gillray n'est guère moins inquiet; il se rassure par de sinistres prophéties sur l'armée française, dont les ossements forment une nouvelle pyramide, sur la flotte française dont le géant, John Bull, s'amuse à croquer les vaisseaux. Le représentant de John Bull, en chair et en os, s'appelle l'amiral Nelson: lorsqu'on apprend sa victoire à Aboukir, on multiplie les dessins à sa louange, sans se permettre la moindre charge sur sa figure, en l’embellissant au contraire. On fait de lui un Gulliver, qui traîne au bout de ses ficelles des crocodiles tricolores.

Malgré tout, au moment où vont finir le dix-huitième siècle et la première grande guerre, la gloire de Nelson ne dissimule pas une profonde et générale lassitude. L'armée de terre, surtout les officiers de cette armée, et les finances, voilà les deux côtés faibles de la situation qui frappent Rowlandson, Cruikshank et Woodward. Sous le crayon du premier, un affreux petit bonhomme se prélasse en uniforme, écrasé par son chapeau et par le poids de son sabre. « Que peut-on faire de cet avorton? » dit la légende. Réponse: « Un officier. » Le plus grand général de l'époque, nous dit Woodward, c'est le général Mécontentement, tenant d'une main une liste de banqueroutes, de l’autre une bourse vide. C’est que, pendant que certains négociants de la Cité font d'énormes fortunes, les simples citoyens plient sous le faix. Voici

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