La caricature anglaise au temps de la Révolution française et de Napoléon

LA CARICATURE ANGLAISE 511

pour les vices du directeur Barras; peut-être serait-il aussi injurieux que son successeur, mais il serait moins médiocre. J’admets que dans son petit lit de l’école de Brienne on prête au jeune élève des rêves de gloire allant jusqu'à la possession du globe terrestre; j'admets encore qu'on le montre pillant les reliques d'Italie; mais pourquoi le rendre odieux en faisant de ce grand homme l’'empoisonneur des malades de Jaffa? pourquoi le rendre ridicule en le faisant sauter par la fenêtre pour échapper aux Cosaques ? Tout cela manque de grandeur, et malheureusement, on le sait, la caricature n’a pas été la seule à méconnaître ses devoirs envers le vaincu. Elle pourrait dire à sa décharge qu’elle n'a épargné ni Fox, ni Pitt lui-même, et qu'elle a traduit dans toute leur férocité les mouvements de l'opinion publique. En ceci précisément elle rend service à l'historien. Les qualités personnelles des caricaturistes ne sont pas ce qui le touche. Quand même Gillray, suspect de vénalité, n'aurait pas eu des passions entièrement désintéressées, il n’en exprimait pas moins les passions sincères de ce personnage, le plus important de l’histoire, que Luther appelait monsieur Tout-le-Monde.

EDOUARD SAYOUS.