La correspondance de Marat

170 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

S'ils ne vous subjuguent pas, ajoutez-Y les enquêtes faites par le comité des recherches contre les bons citoyens qui se transportèrent à Versailles le 5 octobre pour punir les satellites royaux, traîtres et conspirateurs.

Si vous aviez fait usage de votre judiciaire, en lisant la dénonciation contenue dans la feuille C’en est fail de nous, vous auriez vu qu'elle est marquée au coin de la vérité. On y donne les charges, on Y cite des ordres donnés par le comité national des recherches à celui de la municipalité, on y invite les citoyens à s'assurer de la réalité des faits par leurs yeux, on y inculpe personnellement M. Garran, on le somme, lui et ses collègues, de prendre connaissance des inculpations, et d'y répondre, s'ils le peuvent, s’ils l’osent: tout cela n’a pas l'air suspect, ce me semble. Mais, à l'ouie du nom de Garran, vous n'y êtes plus; Garran est un Caton, et son dénonciateur ne peut être qu’un illuminé. Il est donc vrai, cher Camille, que l'amitié est aveugle comme l'amour.

Or, apprenez, puisqu'il faut enfin vous le dire, que le dénonciateur du comité municipal des recherches esi l’Ami du Peuple, et que sa dénonciation ne contient pas un mot qui ne soit conforme à la plus pure vérité.

Parmi le grand nombre de lettres qu'il recevait chaque jour, il en distingua une non signée, mais dont il connaissait l'écriture. On lui donnait avis que le nommé Fouquet, homme très délié !, agent ministériel, et ancien suppôt de

1. Ce Fouquet ne m'était pas inconnu. En décembre dernier, il avait témoigné le plus vif désir de faire ma connaissance, SOUS prétexte de me comuniquer des pièces intéressantes au public. Il m'en communiqua effectivement plusieurs qui étaient relatives aux malversations du sieur Necker. Mais, m'étant apercu que le but de cet intrigant était de supplanter l'administrateur des finances, je ne fis aucun usage de ses écrits, qui me devinrent suspects ; j'eus même la bonhomie de lui dire li-dessus ma facou de penser : et oncques depuis je ne l'ai vu. Mais j'ai appris ensuite qu'il avait fait chaque jour passer ma feuille au roi, et qu'il lui avait remis luimême ma première dénonciation contre le ministre. (Note de Marat)