La correspondance de Marat
172 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
tion, qui nous aurait délivrés dans une nuit de tous les conspirateurs, en dévoilant toutes les conspirations, je fis agir auprès du comité municipal des recherches. M. Garran de Coulon eut à ce sujet une entrevue avec M. de Lameth, “et c’est lui-même qui apprit à mon ami, quelques jours après, que le comité avait reçu des ordres de l’Assemblée nationale.
Ces ordres ont été mis de côté. Pour ne point les exécuter, on a prétexté mille raisons de retenue, et surtout la crainte de violer l’asile des citoyens : prétexte ridicule, lorsqu'il s’agit du salut de la patrie.
Voilà, cher Camille, des faits positifs, constants et bien avérés, contre lesquels vous n'objecterez plus votre argument pour votre Caton.
L'amour de la patrie, le devoir et l'honneur se réunissaient pour presser le comité municipal des recherches d'exécuter les ordres du comité national. Aucun motif ne devait l'en empêcher. 11 ne peut avoir méprisé ces ordres que parce qu'il craignait de déplaire aux ministres, au maire et au commandant de la milice parisienne, ou parce qu'il est vendu au cabinet, a dit l’auteur de la feuille C’en est fait de nous. Après la dénonciation du comité contre le Châtelet, je ne l’accuserai point de vénalité, mais convenez qu'il est coupable d'une lächeté criminelle, et qu'il est indigne de la confiance publique.
Je me flatte maintenant, mon cher Camille, que vous continuerez à avoir quelque confiance dans la manière de voir, dans la circonspection et dans la prudence de l'Ami du Peuple. La chaleur de son cœur, qui lui donne l'air de l’emportement, et l'impossibilité où il est presque toujours de développer ses idées et les motifs de ses démarches, l'ont fait passer auprès des hommes qui ne raisonnent pas pour une tête ardente, il le sait : mais les lecteurs judicieux et pénétrants, qui le suivent dans ses bonds, savent bien qu'il a une tête très froide. La crainte extrême qu'il a de laisser échapper un seul piège tendu contre la liberté