La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 189

une nation libre, mais parce que vous rougiriez d'afficher les turpitudes du maire et du général, qui n’entretiennent aujourd'hui des espions que pour épier et noter les citoyens courageux qui voudraient s’opposer à leur projet criminel de rétablir le despotisme; et ma raison est que si vous étiez vraiment patriote comme on le prétend, vous ne vous seriez pas chargé d’une pareille besogne. Mandataires infidèles, auriez-vous dit au sieur Bailly et aux administrateurs municipaux, rayez de vos tablettes ces dépenses odieuses, il ne faut point d’espions dans un peuple libre ; que les dépositaires de l'autorité fassent leur devoir, et ils n'auront rien à craindre de la médisance; qu'ils fassent le bien, et ils pourront se moquer de la calomnie. |

Voilà, monsieur, un nouveau défilé par où l’Ami du peuple vous appelle à passer ; soyez sûr de sa constance, il vous tiendra éternellement l'épée dans les reins jusqu’à ce que vous l’ayez franchi, ou il vous tympanisera comme un fourbe.

Ce n’est pas tout. Ayant à rendre compte de votre administration provisoire, comment avez-vous eu l’impudeur de prendre l’écharpe de substitut du nouveau conseil municipal? N’était-ce pas demander à être traité avec ménagement par vos collègues ? N’était-ce pas vouloir être contrôleur de votre propre compte? Cette astuce n'aurait pas surpris dans un Vauvilliers : mais dans Duport-du-Tertre ? Que diront les malveillants ; surtout lorsqu'ils auront remarqué qu'à l'exemple du maire vous avez refusé de prêter le serment de désintéressement, exigé des administrateurs par la municipalité; surtout lorsqu'ils relèveront les déférences que d’humbles municipaux doivent nécessairement avoir pour un garde des sceaux, qui ne dédaigne pas de les appeler ses chers confrères? Pensez-vous qu'après-cela ils soient d'humeur à serrer le bouton à leur illustre camarade? Le garde des sceaux fera donc passer aveuglément l'éponge sur toutes les dilapidations du lieutenant de