La correspondance de Marat
208 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
1791), sous ce titre : « Encore quelques mots de Jean-Paul Marat à Camille Desmoulins. »
N’en déplaise à votre jovialité, Camille, vous n'avez pas toujours l’art de vous fâcher avec grâce et avec dignité.
Surpris de vous voir assez peu affecté des dangers de la patrie pour donner à vos lecteurs, dans un temps de crise, plusieurs numéros de table des matières, ou les entretenir de vos tracasseries avec Malouet, Desmeuniers, Naudet, Desessart, et assez peu jaloux de votre honneur pour aider ainsi vos ennemis à faire croire que vous étiez en marché, j'ai essayé de vous rappeler à vous-même. Cette petite liberté m'a valu la jolie note qui termine un de vos numéros de février 1191. Peiné de vous voir discréditer involontairement ma feuille, et nuire aussi inconsidérément à la chose publique, je vous ai adressé quelques légers reproches. Vous n'avez repoussé mes représentations amicales qu’en les qualifiant d’injures, et en les attribuant à Pair méphitique de mon souterrain : je pourrais vous demander si vous en avez agi de la sorte pour ne pas démentir le proverbe qui prétend que vérilé seule offense ; mais j'aime mieux vous observer que montrer tant d’humeur, lorsque j'en montre si peu, c'est mal profiter de vos avantages, vous que la nature fit si gai, si spirituel, si aimable, vous qui respirez un air si pur, vous qui avez une si bonne cave, vous qui êtes entouré de tant d'objets charmants. ,
Vous élevez des doutes sur le mot agostat, qui m'a déplu dans votre journal, et vous prétendez que les exemplaires qui vous restent portent celui d'apostolat. Permettez-moi, Camille, de n’être pas moins sceptique que vous; et comme il faut bien que l’un de nous deux ne sache pas épeler, envoyez un de vos exemplaires à l'Académie Française, j’y enverrai le mien, et les quarante prononceront.
Ce n’est pas en disant que, de tous les journalistes, je suis celui qui a le mieux servi la révolution, mais en rava-