La correspondance de Marat

230 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

Paris, ce 11 avril 1792.

A Monsieur Petion.

C’est l’homme qui vous engagea, il y a quelque temps, Monsieur, à demander des secours pour les pauvres de la capitale, qui prend la plume aujourd'hui pour vous déterminer à une nouvelle démarche qui ne vous fera pas moins d'honneur et qui vous assurera l’estime et l’amour du peuple. Vous n’ignorez pas sans doute que le sieur Motier est accouru à Paris pour travailler l’armée-et faire manquer la fête civique pour les tristes restes de: Châteauvieux. Déjà six bataillons pourris se: sont engagés par serment à s'emparer du Champ-de-Mars dès la veille. À ce noyau dévoué à lui, joignez, car le sieur d’Anglure en a fait préparer cinquante mille sous les auspices du grand général pour les occasions importantes, toute la troupe soudoyée et vingt mille brigands renfermés dans nos murs et prêts à prendre les armes au premier signal, puis jugez de l’horrible carnage que pourrait faire un audacieux scélérat. Mais, comme tous ces coupe-jarrets ne sont rien sans leurs chefs, pour maintenir le bon ordre il suffira donc de consigner l'état-major parisien le jour de la fête. Je crois que vous en avez le droit comme chef de la police. L'Assemblée vous le donnera. Au demeurant, en lui faisant le tableau, des désordres effrayants où serait plongée la capitale, si des hommes, qui se sont toujours montrés les ennemis de la patrie, osaient s'opposer aux vœux de cent cinquante mille citoyens armés, la pudeur l’empêchera de repousser la demande que vous lui en ferez à la tête des municipaux.

Quelque hardie que soit cette démarche, croyez, Monsieur, qu’elle vous compromeltra moins qu'une mesure pusillanime. Elle ne saurait vous faire perdre la bienveillance des suppôts du despotisme, mais elle ajoutera à la reconnaissance de la nation. À ma franchise, vous pourrez