La correspondance de Marat

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l'invite à répondre à ses calomniateurs et à se justifier. « Votre réputation m'est connue, lui dit-il, comme physicien de premier mérite; pourquoi la laisser flétrir par des mensonges atroces et inouis?.. » Marat insère à la fois cette lettre et la réponse qu’il adresse à Sarazin, dans le numéro 83 du Journal de la République française (lundi 24 décembre 1792).

Vous êtes un homme de sens, et vous me demandez une justification. Vous n'avez donc pas lu mes écrits, puisque vous ignorez que je dédaigne de répondre aux calomniateurs. Les libelles de toute espèce, imprimés contre moi depuis quatre ans, ne tiendraient pas dans l’église NotreDame ; je les ai laissés circuler en paix, et ils ne m’ont pas fait perdre un iota de ma réputation civique, du moins auprès des hommes faits pour juger mes actions, mes écrits et mes discours. Pour contrebalancer l'influence de ma feuille journalière, il en a coûté jusqu'ici plus de cent millions à la cour, au cabinet ministériel et aux ennemis de la liberté; je n’en ai cependant pas moins déjoué presque tous leurs complots. J’augure assez favorablement de la majorité de la Convention pour la croire aujourd’hui bien éclairée sur la pureté de mes vues, et je me flatte de mériter son estime : au demeurant je puis m'en passer, la mienne propre suffit à mon bonheur. Quant aux suppôts du despotisme, aux intrigants, aux ambitieux et aux fripons de tout genre qui souillent le sein de la Convention, je suis loin de les craindre: c’est à eux à trembler devant moi. Je lis au fond de leur âme, ils redoutent ma franchise; aussi ne sont-ils occupés qu’à me fermer la bouche lorsque je me présente à la tribune. Le moment approche où le voile imposteur que la faction Roland tient sur les yeux des citoyens crédules sera déchiré ; alors, alors, mon cher concitoyen, le pauvre peuple abusé apprendra enfin à connaître son plus zélé défenseur.

Je vous salue.

Marar, député à la Convention.