La correspondance de Marat

36 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

ignorant, mes ouvrages sont entre leurs mains : au lieu de garder le silence, ils les auraient attaqués sans ménagement. Pourquoi donc aucun d'eux n’a-t-il osé descendre avec moi dans l’arène? C’est qu’ils sentent leur faiblesse ; c’est qu'ils craignent que je ne dévoile leur ineptie, c’est qu’ils savent que le publie, qu’ils cherchent à abuser, leur aurait bientôt rendu justice.

C’en est déjà trop pour repousser ces ridicules imputations ; je passe à l'examen d’une autre imputation tout aussi ridicule.

Ils m’accusent d’être un homme qui promet de grandes choses et qui est incapable de remplir aucun de ses engagements. C’est là, sans doute, le portrait d'un intrigant ambitieux. Mais il est notoire que j'ai passé presque toute ma vie dans mon cabinet, que je n’ai jamais formé le moindre projet de fortune, que je n’ai jamais poursuivi la moindre affaire lucrative. Il est notoire aussi que, depuis six années, j'ai renoncé aux richesses que me procurait la pratique de mon art, pour me livrer au plaisir d'étendre les connaissances utiles. Il est notoire encore que toutes les expériences dispendieuses qu'exigeaient mes découvertes ont été faites à mes frais. Je consens néanmoins à ne pas opposer ces preuves à mes adversaires ; il m’en reste de plus irrésistibles encore.

Si j'étais homme à courir après la fortune, pourquoi l'aurais-je si souvent repoussée? Je ne parlerai ici que de ces grandes occasions qui décident ordinairement du sort de la vie.

Jusqu'à présent, j'ai été recherché par plusieurs têtes couronnées, et toujours sur la réputation de mes ouvrages.

Ily a 41 ans que, d’après les témoignages flatteurs du lord Lyttleton, je reçus du ministre de Russie des propositions brillantes pour passer à Pétersbourg (voyez le n° 5); et, sans entrer dans aucune explication, je les refusai, parce que le climat ne me convenait pas.

Il ya dix mois que, sur les témoignages flatteurs du