La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 35

petit ménagement qu’elle a cru devoir à l’un de ses membres dont elle rejetait les opinions, pour consacrer la vérité de mes principes. Au reste, vous voyez encore par ce petit succès que les Académies elles-mêmes savent me rendre justice, lorsque je garde l'incognito.

Persuadé que l'honneur de donner à l'Europe la vraie théorie de l’électricité médicale pouvait être réservée à l'Espagne, je ne songeai plus qu’à conserver l'incognito, et je chargeai le baron de Feldenfeld de retirer mon mémoire des mains de l’Académie, sans même réclamer le prix qu'elle m'avait décerné. Vous trouverez la réponse du secrétaire sous le n° 37. Forcé par les statuts de cette Compagnie de lui abandonner mon mémoire, je m’avouai pour l'auteur, et je me proposai de ne point le publier en France, mais d'offrir à la nation espagnole un traité complet, de concert avec la Faculté de médecine de Madrid, en priant le Roi d’en agréer l'hommage.

De tout ce qui précède, il résulte que les imputations d'ignorance, d'incapacité, de charlatanisme, que mes adversaires ont faites contre moi, sont dictées par l'envie de me nuire, et démenties par les témoignages unanimes d’une multitude d'hommes de lettres distingués, par les suffrages de plusieurs Compagnies savantes, par la voix publique. Mais quand tous ces titres honorables ne déposeraient pas en ma faveur, j'en aurais de plus forts encore : mes ouvrages, voilà les témoins qui déposent hautement contre mes envieux. Pour prononcer entre eux et moi, faut-il aller chercher des juges hors de l'Espagne? Non, mon ami, elle en renferme de très compétents, et avec des hommes du mérite des Zanzunegui, des Santa-Crux, des Jorge Juan, la question peut être décidée sans appel. Enfin les imputations de mes adversaires sont démenties par eux-mêmes. Ils ont beau vouloir m'en accabler, ils ne me les eussent jamais faites, s'ils étaient persuadés que je les mérite. Si j'étais sans génie à leurs yeux, s’acharneraientils à vouloir me diffamer? S'ils me regardaient comme un