La correspondance de Marat

38 ‘ LA CORRESPONDANCE DE MARAT

et à M. le vicomte de la Herreria, auxquels j'ai recommandé le plus grand secret. Or, je vous demandé, comment mes adversaires ont-ils eu connaissance de ce qui se passait à la cour de Madrid à mon sujet, si ce n’est par les intelligences secrètes qu’ils ont l’art de se ménager en tous lieux.

Détournez, je vous prie, un instant la vue de dessus les noires manœuvres de nos philosophes, pour faire avec moi quelques réflexions qui ont de quoi surprendre, et plus encore de quoi alarmer.

La morale de ces MM., faite pour les cœurs corrompus, a mille attraits pour les jeunes gens ; aussi leurs prosélytes sont-ils très nombreux. Chaque jour ils se multiplient; ainsi répandus sur la face de la terre entière, quelle redoutable confédération ne formeront-ils pas? Confédération d'autant plus redoutable qu'elle serait invisible ; car, n'ayant aucune marque extérieure qui les distingue, ils peuvent, sans être connus, remplir tous les ordres de la société : compagnies sayantes, universités, tribunaux, conseils des princes.

Déjà ils ont formé l'horrible projet de détruire tous les ordres religieux, d’anéantir la religion même. Pour réussir, ces insensés empoisonnent les sources de toutes les connaissances utiles, et cherchent-à remplir de leurs suppôts toutes les places instituées pour l'instruction publique.

Quels maux n'ont-ils pas déjà faits! Quels maux ne feront-ils pas encore! S'ils viennent un jour à concevoir des projets ambitieux, à porter leurs vues sur les affaires politiques, au moyen de leurs créatures, bientôt instruits de tout ce qui se passe dans les cabinets, qui pourra les empècher d'agiter les gouvernements, de bouleverser les États?

Je ne vois qu’un moyen, mon ami, pour prévenir ces malheurs : ce serait d'engager tous les grands écrivains à couvrir de ridicule ces apôtres de la philosophie moderne.

Je reviens à moi.

Ils m’ont représenté comme un homme qui promet de