La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 39

grandes choses et qui est incapable de remplir aucun de ses engagemwnls. À cela, j'ai une réponse tranchante : c'est que j'ai quelquefois exécuté de grandes choses, et toujours sans les avoir promises. Ne voyez pour quelques moments en moi que le physicien, et ne voyez dans mes ennemis que des membres de l'Académie des Sciences.

Ils reconnaissent’ que j'ai inventé une méthode d’observer dans la chambre obscure, qui est très propre à ouvrir un vaste champ aux recherehes-des physiciens et à porter le flambeau dans les labyrinthes de la nature.

Pour découvrir cette méthode, si utile aux progrès des sciences, et qui a tant fait de bruit dans la république des lettres, on croira peut-être que j'ai mis mon esprit à la torture durant des années entières? Vous allez voir combien peu il m’en a coûté. D'après quelques phénomènes fort ordinaires, ayant jugé la matière du feu moins sublile que celle. de la lumière, j’ai senti qu’elle pouvait devenir visible; et, pour parvenir à l’enchainer sous les yeux du spectateur, je n'ai fait qu'employer d’une certaine manière un instrument qui était depuis un siècle entre les mains de tous ceux qui se mêlent de physique.

Dès l'instant où j'eus fait connaître ma méthode. les amateurs de la capitale se sont empressés de la transporter dans leurs cabinets, et la plupart des physiciens de l’Europe l'ont adoptée.

Il état assez naturel qu’elle ne fût pas infructueuse entre mes mains. Cependant, aux imputations de mes adversaires, ne dirait-on pas qu’ils m'en ont eux-mêmes enlevé les fruits? Vous allez en juger. Malgré que je leur en eusse fait voir l'application dans les phénomènes du feu, ils ont souffert tranquillement que je l'appliquasse tour à tour à la lumière et à l’électricité. Puis, quand mon travail sur ces diverses branches a été public, ils se sont contentés de se trainer modestement sur mes traces.

1. Voyez leur rapport sur le Feu. (Nole de Marat)