La correspondance de Marat

40 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

Le croira-t-on? Ces féconds génies n'avaient pas même imaginé au bout d'un an de faire servir ma méthode au choix des verres destinés aux instruments d'optique, et il a fallu que je leur fasse connaître les avantages précieux qu’elle a sur toutes les autres méthodes employées jusqu'à ce jour. Ce fait est prouvé par le Journal de Paris du 25 octobre 1719, sous le n°. (j'ai égaré ce journal que je me disposais à vous faire passer)", où vous verrez une lettre de l'abbé Filassier, mon élève.

Voyons maintenant, en raccourci, le parti que j'en aitiré. D'abord, je l'ai employé à rendre visible le fluide igné, cet être inconnu avant moi, et qui joue un si grand rôle dans les œuvres du créateur. Combien de systèmes n'avaient pas été publiés sur la nature du feu? Systèmes dont les absurdités sans nombre enflent les bibliothèques et font perdre à la jeunesse un temps précieux.

L'Académie des Sciences, sentant combien il était intéressant d’avoir des connaissances certaines sur cette matière, en avait fait le sujet de l’un de ses programmes. Tout ce qu'il y avait de savants distingués en Europe concourut. Trois des plus beaux génies, Euler, Bærhave, Bernoulli, établirent chacun dans leurs mémoires un système différent; et le sublime lycée où mes adversaires ont l'honneur de siéger, oubliant que la vérité est une, ou ne sachant à quel signe la reconnaitre, se détermina prudemment à les couronner fous trois’.

Après deux mille ans passés à Fee de inutilement ce qu'était le feu, je me présente à MM. de l’Académie : j'arme d’un microscope solaire le volet d'une chambre obscure, je place dans le cône lumineux un boulet incandescent, je les prie d'approcher de la toile, et je leur fais toucher au doigt

1. L'article du Journal -de Paris auquel Marat fait ici allusion a été reproduit par Chèvremont. On le trouvera plus loin, p. 86.

2, Voyez les Mém. des Savants étrangers dans le Recueil de ceux de l'Académie, vol. de 1738. (Note de Marül)