"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)
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CHAPITRE xi.
cinations, et ses amis voyaient avec peine quel triste rôle lui faisait jouer le Maître illuminé 1 . La chaire des littératures slaves au Collège de France fut érigée en tribune messianiste où le professeur-poète développait, dans un style apocalyptique, des théories socialistes et humanitaires etfaisaitune critique acerbe des gouvernements monarchiques tout en prêchant un culte singulier de Napoléon ler.I er . « Uauditoire du Collège de France, dit l’historien de celte chaire, devint le théâtre de scènes étranges : des hommes sanglotaient, des femmes s’évanouissaient 2 . » On distribuait des lithographies représentant Napoléon dans le costume d’un rabbin Israélite, pleurant sur la carte de l’Europe. « Un jour, le professeur déclare qu’il ne prépare plus ses leçons et qu’il compte uniquement sur le secours de l’Espril qui les lui dicte 3 . » Le gouvernement de Louis-Philippe s’émut, et, devant la protestation du clergé catholique, le prophète Towianski fut expulsé de France. Mickiewicz, sous la pression de Villemain, ministre de l’instruction publique, demanda et obtint un congé qui dura plusieurs années 4 . Un jeune Français déjà connu par ses travaux, Cyprien Robert, le remplaça (1844). Or, le vendredi 19 mars 1841, au moment où Mérimée préparait la deuxième édition de son livre, Mickie-
1 On peut se faire une idée de cette influence par le propos suivant prêté à Mickiewicz : « Si Towianski. aurait dit l’illustre poète, m'ordonnait de me jeter du haut des tours Notre-Dame, j’obéirais sans hésiter. » (Loménie, op. cil.) Louis Leger, Russes et Slaves, t. 111, p. 212. 3 Idem, t. 11, p. 230. 4 II fut définitivement révoqué après le Coup d’Étatdu 2 décembre, en compagnie de Quinet et de Michelet, mais il obtint, grâce à l’influence du roi Jérome, une place de bibliothécaire à l'Arsenal, qu’il conserva jusqu’à sa mort (1855).