"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)
CONCLUSION.
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parce qu’elle est fondée presque tout entière sur des débris authentiques de littératures et croyances primitives. C’est par cette qualité que la Gusla dépasse l'exotisme vague et indécis des xvii’ et xvm e siècles et annonce l’exotisme réaliste, et psychologique des Carmen, des Salammbô et des Aphrodite. 111 Donc, considérée comme telle, la Guzla est mieux qu’une simple mystification ; il y a au fond des sujets dont elle traite quelque chose d’éternellement vrai ; les conditions de la vie pourront changer; l’homme trouvera toujours de l’intérêt à ce portrait qu’a fait Mérimée de ses ancêtres. Mérimée n’a pas peu contribué à jeter le discrédit sur son oeuvre. Dans sa préface de 1840, il a eu le grand tort d’affecter à son égard trop de mépris; il a laissé entendre qu’il avait composé son recueil en dérision des règles du romantisme qui recommandaient de chercher la « couleur locale », et la « couleur locale», selon Mérimée, c’est chose facile. Ne croyons pas sur parole l’écrivain connu de 1840 lorsqu’il raille le jeune littérateur de 1827 : dans une de ses lettres à M me de La Rochejacquelein ne parle-t-il pas de ses « sottises d’autrefois » et ne reconnaît-il pas qu’il fut un temps où il était romantique sincère 1 ? S’il a cessé de goûter ces premiers essais, c’estq u’avec les années le métier de l’écri-
1 « Je corrige en ce moment des épreuves d’une réimpression d’une de mes sottises d’autrefois [Clara Gazul], Il se fait dans mon esprit un commentaire perpétuel à ce sujet. Cela me rajeunit et me fait souffrir parce que je lis entre les lignes. » (29 octobre 1856.) 34