La patrie Serbe

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ses divisions,-incorporée dans l'ärmée du général Stépanovitch; mais justement cette II: Armée est celle qui fit le moins.

On parle surtout de la II° Armée au sujet d'Andrinople. Pendant de longues semaines les assaillants restèrent tapis dans la neige, autour de la ville qui ne se rendait pas. Les collines et la plaine semblaient dormir à jamais sous un éternel linceul, la vaste étendue blanche un peu ondulée faisait songer à une inviolable solitude, malgré l'intense fourmillement de vie grouillant sous terre. Parfois un rayon de soleil perçait les nuées lourdes et la Maritza grise devenait unenervure d'un bleu léger. Dépouillée delatristesse des brumes, Andrinople, délicate autant qu'un mirage, paraissait enveloppée de lumière et touchaitle ciel déteint.La silhouette orientale était irréelle ainsi dressée dans ce paysage polaire. Andrinople faisait songer à une vierge craintive, et les milliers d'hommes qui, pour la posséder, risquaient leur vie, demeuraient cachés à la regarder, à la désirer de toute la puissance de leur âme.

Par milliers, par dizaines de milliers,ilsadmiraient sa grâce et leurs aspirations se condensaient surl’heure où, soumise, la captivése livrerait. De longs silences succédaïent au tonnerre des canons. Les clameurs assourdies par le clair feutrage, montaient en une rumeur atténuée jusqu aux tranchées serbes, où veïllaient les soldats. Devant la ville enchantée, ils Simmobilisaient, une mélancolie passait par moment dansleurs âmes.lorsqu'ils pensaient que leur interminable attente ne servirait pas à la Patrie,et que la féerique vision était promise à leurs frères d'armes bulgares. Gombien d'heures nostalgiques vécues dans les tranchées glacées. Qué de fois, transis et saisis par la boue visqueuse, pensaient-ils à la maison paternelle |