La patrie Serbe

298 LA PATRIE SERBE

raidirait à jamais les corps pitoyables. La mort mettrait sur les pauvres visages gonflés la mince couche de glace des larmes figées. Pour les grands, c'était, en plus des alires de la famine, une soufirance vertigineuse, un abime de douleurs aux insondables ténèbres. Ceux qui partaient laissaient leur âme derrière eux et l'énergie de l'armée se révélait surhumaïne. Les officiers, les soldats serbes se sont surpassés eux-mêmes durant cette retraite plus glorieuse que la plus glorieuse vie toire, car si les civils désiraient échapper à l'esclavage, les soldats et leurs cheïs se réservaient pour le moment problématique où peut-être ils pourraient revenir plus -forts, disputer à l'ennemi les lambeaux de la terre sacrée, tombe de leurs pères et de leur ancienne splendeur. Combien parmi eux, s'ils n'avaient consulté que leur égoïsme, auraient préléré braver le danger en compagnie des êtres chers. Mais ils appartenaient à la grande Patrie Serbe; ils deyaient vivre cette torture pour mourir plus tard, lorsque sonnerait l'heure de la mêlée libératrice.

L'Albanie, temple d'Hécate dont Lioum-Koula représentait le pronaos, n'était pas un enfer embrasé ainsi que nous le décrivent les religions, enfer vivant de flammes et d'éblouissements; c'était un enfer éteint, stérilisé par une mort, tellementla mort, qu ellesemblait élever une barrière complète, laissant croire à l’anéantissement de l’âme mème. Comme si c'était le terme du monde, la route serrée, contre la montagne neigeuse revêtue d'une chappe mauve de taillis dénudés, s arrètait devant un férrent rageur. On aurait pu penser qu'une divinité jalouse n'admettait l’homme dans une pareille solitude que privé de toute ressource.

À la porte de celte patrie de la Dévastation il fallut détruire les voitures, les automobiles chargées de baga-