La patrie Serbe

254 LA PATRIE SERBE

Le bord de l'Adriatique, plus encore que les Alpes albanaises fut leur couche mortuaire.

La retraite avait nécessité du mouvement, de l’action, l'image de Scutari faisait songer à un repos pendant lequel on oublierait les soufirances passées ; sur la plage, il n'y avait que l'attente morne. Au milieu du désert albanais, le chemin indiqué par les cadavres continuait indéfiniment pareil et monotone, mais il menait vers une espérance. Le littoral était l'acculement à une immensité iniranchissable. Des milliers d'êtres affamés, des milliers et des milliers, restaient immobiles, figés dans leur misère. Devant eux, l'Adriatique illimitée, l'Adriatique bleue et joyeuse était la barrière les parquant dans leur malheur, loin du monde où ils auraient pu vivre. Quelques-uns possédaïient encore des lambeaux de tente pour s'abriter. La plupart n'avaient que la voûte du ciel. Sur eux coulaït la pluie et ils n'avaient aucune possibilité de sécher leurs guenilles, parois rattachées par des ficelles.

De temps à autre, un navire surgissait de l'azur profond, il jetait sur la plage quelques provisions, immédiatement absorbées... Ensuite il n'y avait plus rien...

Les jours se trainaient identiques, les heures lentes se succèdaient, on attendait...

On attendit d’abord la délivrance, puis comme elle ne venait pas, on attendit la mort.

La mort passait sans cesse, les cadavres par centaines traçaient des croix sur le sable,

C'était d'épuisement et: de faim que l'on mourait sur la plage d'or où clapotaient les vagues à l'écume d'argent. On empilait les corps dans des tombereaux, on les emportait vers de larges fosses, avec des fourches on les prenait pour les lancer sans respect dans de grands trous hâtivement recouverts de quelques pelle-