La première histoire des guerres de la Vendée : essais historiques et politiques sur la Vendée du Chevalier de Solilhac

LA PREMIÈRE HISTOIRE DES GUERRES DE LA VENDÉE 177

s’échappa de ces 12.000 hommes que 300 cavaliers (1). L'intention de nos généraux était de marcher de suite sur Niort, qui n’aurait pu tenir à cette époque ; mais ils furent obligés de laisser nos paysans aller vaquer à leurs travaux domestiques. Comme il nous était impossible de les tenir assemblés plus de quatre ou cinq jours, nous ne pûmes laisser de garnison ni dans Angers, ni dans Saumur, en sorte que les patriotes rentrèrent peu de tems après dans ces deux villes, dont la possession était d'autant plus importante pour nous qu’elle était la clef de notre païs et nous donnait entrée sur celui de l'ennemi.

Bientôt Santerre et Menou, à la tête de 30.000 patriotes passent le pont de Cée et viennent s'établir dans les bois de Brissac. Nous marchâmes sur eux, et, après un combat de deux heures près de Martigné, l'ennemi se retirait en désordre, laissant en notre pouvoir deux pièces de canon, lorsque nous vimes nos païsans s’en retourner froidement. Toutes nos exhortations pour les ramener au combat furent inutiles ; ils nous répondaient qu'ils étaient exténués de fatigue ; qu'ils avaient battu les patriotes assez souvent ; qu'ils les battraient mieux un autre jour (2).

La vérité est que, ce jour-là, ils étaient venus de quatre lieues ; que la pluspart étaient encore à jeun, au point qu'un grand nombre moururent de fatigue (3). C’est peut-être la première fois qu’on a vu deux armées fuir chacune de leur côté (4).

Cependant l'ennemi, s’'appercevaut qu’on ne le poursuivait pas,

(1) Mme de la Rochejacquelein parle aussi de 300 cavaliers. V. Mém.,p. 262. — Voir les Notes de Bernier. Anjou historique, janvier 1903, pp. 360-361.

(2) Solilhac, qui ne connaissait que depuis fort peu de tempsles Vendéens, paraît avoir été stupéfait de leur résolution « froide » et de leur réponse aux prières de leurs chefs : aussi l’a-t-il soulignée; c'est le seul passage souligné de ses Essais. Il faut reconnaitre que, même pour nous, ces traits du caractère vendéen sont extraordinaires. Cette résolution froide de partir au moment où la victoire se dessine pour eux, cette volonté arrêtée d'agir à leur guise, cette certitude de battre le bleu à leur jour et à leur fantaisie, déconcertent toujours. Solilhac saura en tirer les conséquences à la fin de ces Essais.

(3) « La majeure partie des hommes succomba par l’extrème chaleur. Officiers et soldats, tous étaient dévorés de soif. D'Elbée fut forcé de s’abreuver dans une ornière ». (Forestier, p. 69). — Lescure « but de l’eau d’une mare et eut une syncope de deux heures ». (Mme de la Rochejacquelein, p. 229.)

(4) Voir Mémoires de Forestier, p. 69.

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