La question du sel pendant la Révolution

XXII

« le Roi par arrêt de son Conseil du 14 avril 1705 a maintenu le Juge des « Salines dans le droit et la permission de les instituer. »

Vous remarquerés sans doute, Messieurs, d’après la teneur de cette Ordonnance réglementaire, de quelle importance étoient nos fonctions aux salines pour la distribution du sel en pains, sur tout de celui qui doit être chargé sur des voitures; nous allons présentement vous détailler rapidement les émolumens qui étaient attachés à nos offices.

Ces offices sont au nombre de quatorse, attachés à sept bernes ou chaudières et autant d’étuves, à chacune desquelles deux benatiers sont destinés. Lorsque le juge, qui les institue, leur donne leurs Lettres-patentes, il les envoye en possession et les apelle à jouir des fruits, revenus et émolumens que porte l’exercice de ces offices, lesquels émolumens fixés par un arrêt de 1683, consistent en vingt deniers par chaque charge composée de quatre benates, et la benate de douze pains. Il leur étoit retribué en outre chaque année 212 livres 6 sols’8 deniers et quinze charges huit pains de sel rosiére, ce qui étoit divisé entre eux tous par égales parts. L’Adjudicataire des fermes leur payoit en sus 6 sols 9 deniers pour la fourniture des matériaux pour l’embenatage de dix charges de sel. Les émolumens ci-dessus détaillés donnoient annuellement à chacuns des supplians une somme d’environ 500 livres. ë

Il est intéressant d'observer que les Instituons (sic) des Benatiers n’étoit pas gratuite (sic); à chaque institution le titulaire payoit 15 livres au Juge qui l’envoyoit en possession, lorsque la démission d'office étoit faite en faveur du fils du dernier titulaire, et de 150 livres, lorsqu'elle avait lieu en faveur de tout autre particulier ; il étoit payé de ples 12 livres au Procureur du Roi et 6 livres au Greffier.

Après avoir donné une idée racourcie mais juste et sincére de l’objet de nos Institutions, des devoirs auxquels elles nous assujetissoient et des émolumens qui y étoient annexés, nous allons prendre la liberté de vous démontrer que la privation de nos offices par le fait, entraîne avec elle non seulement notre ruine totale, mais encore celle de nos familles.

Une chose certaine, c’est qu'avant la publication de votre décret du 14 mars 1700, l’on ne fabriquoit et l’on ne livroit dans les salines de Salins que du sel formé, sujet à l’embenetage, et qu’alors les émolumens des suplians n’ont jamais excédé dans les années les plus heureuses, la modique somme annuelle de six cents livres ; aujourd’hui que la livraison du sel en grains et du sel formé non embenaté surpasse celle du sel formé et embenaté, n'est-il pas de la dernière évidence que des pères de famille, que des veuves chargées chacune de six enfans, dont plusieurs sont dans le plus bas-âge, doivent beaucoup souffrir d’une diminution aussi sensible dans le produit de leurs salaires, qui font leur unique ressource? En un mot, il n’y a plus d’embenatage et l’état des suplians devient absolument nul, dès le moment que les voituriers ont ont la liberté entière de se pourvoir soit de sel en grains soit de sel formé non embenaté.

Il est prouvé par les registres du receveur des salines, que depuis environ quinze mois, les voituriers usent chaque jour de la liberté au grand préjudice des Benatiers, et si l’on ajoûte à cela que la consommation du