La Révolution française (1789-1815)

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taire, d’une activité dévorante et d'une ambition d’aventurier qui joue le tout pour le tout, il se lança dans cette brillante Succession de victoires, qu'il conduisit des Apennins jusqu’au delà des Alpes du nord. Les contemporains et même la postérité ont été éblouis de cette brillante campagne, et si la guerre n’était qu'un jeu, comme le chant d’un ténor, il n'y aurait rien à dire; mais cette guerre fut accompagnée de l'inauguration de la politique de fantaisie qui, graduellement croissante, conduisit la France à la mutilation et à une double invasion. Expliquons cela en quelques mots.

Bonaparte, toujours préoccupé du résultat immédiat en tout ce qui lui était provisoirement et personnellement utile, inaugura la politique de propagande militaire, en reprenant les idées irrationnelles des démocrates exaltés de 1792, que Danton avait momentanément appuyés et qu'il avait refoulés ensuite en faisant adopter par la Convention le grand principe que la France respecterait l’état social et politique des autres peuples, comme elle entendait faire respecter le sien. Le Directoire avait d'abord conçu une diplomatie qui n’était que la continuation de celle de la Convention. Ménager le Piémont, en lui donnant en Italie, aux dépens de l'Autriche, des compensations, former, avec Venise, l'Espagne et la Porte, une alliance qui permit de lutter dans la Méditerranée contre l'Angleterre. Au lieu de cela, Bonaparte excita la Propagande révolutionnaire qui devait nous brouiller irrévocablement avec toute l'Italie, et nous faire des ennemis des populations elles-mêmes ; les révolutionnaires n'étant partout qu'une minorité bruyante, mais faible. Enfin il introduisit le’ système odieux et absurde de disposer des populations au gré de toutes ses fantaisies passagères. Il créa, d’abord, la République cispadane, puis ensuite, dans de nouveaux projets, la République cisalpine, dans laquelle il engloba la cispadane. Par les préliminaires de Léoben, il sauva l'Autriche, qui était l'ennemi décisif et qu'il fallait écraser. Par le prétendu traité de Gampo-Formio, il augmenta sa puissance en luiannexantles Etats de Venise, par une absurde et honteuse violation du droit des gens ; et il lui donna le temps de réparer ses pertes, d'augmenter ses forces et d'amener enfin la Russie sur les champs de bataille, L'instabilité d’une telle politique frappa les esprits attentifs. Le Di-