La révolution française à Genève : tableau historique et politique de la conduite de la France envers les Genevois, depuis le mois d'octobre 1792, au mois de juillet 1795

[ 74 1 habitans fe font laiffés dominer, intimider, & pour ainfi dire férocifer par une poignée d'étrangers ;(1) d’une ville qui vient de fubir toute efpèce de dégradations, où le crime marche à tête levée, & dont la religion pure; & fes refpeétables Miniftres, font en ptoie à une per< fécution inexorable & fingerefle; d’une ville où ceux qui ont été viétimes font bien moins à plaindre que les honnêtes gens qui en ont été les témoins, .& dont le fort n’eft peut-être que fufpeñdu ; d’une ville qui va fe trouver preflée par lindigence oïfeufe & falariée,

(x) C'eft là, je le fens, une apologie bien humiliante à faire des Genevois. Il n’en eft pas moins vraï, cependant, que non-feulement le branle irréfiftible de cette révolution leur a été donné par la France, mais que la plupart des horreurs de détail que vient de préfenter Genève, y ont été commiles par des étrangers, priacis palement par des Français (rebut des diftriéts voifins, dont cette ville, par fa fituation, était devenue l’égoût) & à plufieurs defquels l'égalité politique proclamée en 1792 avait accordé les droits de citoyens. Si cette dernière révolution de Genève avait été l'ouvrage de la pluralité dé fes propres habitans, pourquoi ceux d’entr’eux qui y Ont trempé, & qui l’ont dirigée, fe feraient-ils fi foigneufement abftenus de convoquer, comme autrefois, l’Afflemblée du peuple? Pourquoi fe feraient-ils hâtés de la détrôner, & de faire pañler, provifoirement, tous fes pouvoirs à des Comités très-refferrés? Certes, les Genevois ont fans doute de grands reproches à fe faire; & cependant, quel eft le peuple qui puifle dire, après avoir lu ce tableau : “ Si nous avions été comme eux fables, ifolés, entièrement enveloppés dans le territoire de la France, conftamment travaillés par elle, expofés d’abord à fes attaques ouvertes, puis à fes intrigues, tantôt ouvertes, tantôt cachees, nou$ aurions fu trouver le fecret d’échapper à fon bras de fer, & de nous fouftraire à l’horrible fentencé qu’elle avait prononcée contr'eux, & qu’ils viennent de fubir ?”