La Serbie

Encore des atrocités austro-magyares — Un nouveau réquisitoire du député Rorosec — à

À la commission de l’armée de la Délégation antrichienne qui s’est réunie le 12 et le 13 décembre, après la lecture de l'exposé du ministre de la guerre, le député slovène, Dr Koro$ec, a prononcé un nouveau réquisitoire contre les violences inouïes commises sur les Slaves. Le Dr Korosec a parlé surtout des exécutions qui ont eu lieu dans le sud.

‘Ilcite toute une série de cas dans lesquels, à la suite d’un système de dénonciations perfectionné, de nombreux innocents ont été emprisonnés, condamnés et souvent exécutés sans condamnation. En Bosnie, un corps des tirailleurs a été organisé et instruit, afin d'user de procédés hostiles contre la population serbe. C’est au moins par dizaines de mille que se chiffre le nom.bre des innocents qui sont tombés victimes des persécutions. Dans le territoire fortifié de Trebinjé, dès le début de la guerre, les citoyens les plus notables remplirent les cachots; au cours de leur incarcération, on les menaça déjà de l'exécution, bien que personne parmi eux ne se fût rendu coupable d’un crime ou eût été l’objet d’une instruction. Le principal responsable de ce procédé est le général Braun, qui est encore aujourd'hui en activité de service. De même, en Croatie, une quantité de personnes ont été exécutées militairement sans enquête. Une femme, qui avait un enfant âgé de trois jours, a été assommée dans son lit. De même une vieille femme de 73 ans a été exécutée. Après la retraite des Serbes, il a été exécuté sans enquête dans un village croate 24 personnes ét 700 ont été internées ; dans un autre village, 18 citoyens ont été fusillés, sans enquête; parmi eux se trouvait un prêtre, qui, au moment même de l'invasion serbe, était absent du village.

Le Dr Koroëec laisse prévoir des interpellations avec la description exacte de chaque cas particulier.

Ces persécutions n’ont pas cessé pendant l’année 1915; elles se sont même produites encore tout récemment. Jusqu'à présent, aucune enquête n’a été entreprise sur tout ce qui s’est passé en Styrie, en Carinthie, en Carniole, dans la province du Littoral, en Dalmatie, en Croatie, en Bosnie et en Herzégovine. On n’a pas accordé la moindre satisfaction aux Yougoslaves, pendant que de nombreux assassins, depuis le plus simple soldat jus-

culer comme des gens respecta” bles. On n’a pas davantage tenu compte des souffrances morales des Yougoslaves ni des dommages matériels. Partout, ils se sont heurtés à des oreilles sourdes et peuvent tout au plus s'attendre à de nouvelles calomnies et à de nouvelles persécutions. Dans cet Etat, les Yougoslaves n’ont trouvé pas la moindre protection légale. (« Arbeiter Zeitung ». du 13 décembre).

Koroëec a terminé ainsi :

« Nous souffrons profondément à cause de ces victimes innombrables. Mais le sang qui a été versé là-bas dans

nos pays yougoslaves, l’extermi-*

nation et les persécutions ont engendré un grand désir de liberté et d'indépendance chez notre peuple. C’est dans cette atmosphère qu'a été créée notre déclaration et personne ne sera plus en état d’extirper du cœur de notre peuple yougoslave l'idéal de liberté. et d'indépendance. »

Le « Slovenski Narod » commente ainsi ce discours mémorable :

« Ce discours est la reproduction du résumé donné par la « Reichsratskorrespondenz », dans laquelle ne figure que ce que la censure autorise. Cependant ce petit extrait très superficiel démontre que le président du Club Yougoslave a prononcé un de ces discours historiques rarernent entendus au sein des Délégations autrichiennes. La liquidation a commencé. Au noin de notre peuple toutentier, le président du Club Yougoslave a assumé le rôle d’accusateur public de tout le système ; par sa bouche ont parlé tous les opprimés et tous les persécutés, et sa parole a exprimé en même

: temps notre foi dans la liberté et dans l’in-

dépendance.

« On nous informe de Vienne que l’impression produite par ce discours de Koro$ec a été inexprima ble. Lorsque l’orateur s’est tu, la salle était dans un silence complet. Plus tard, les différents délégués allemands sont venus rejoindre Koroëec et lui ont déclaré : « Si tout cela est vrai, alors nous vous comprenons, vous Yougoslaves! »

« Hélas! tout ce qu’a dit Koroëec est vrai et il y aurait encore bien plus à dire! Les Délégations auront l’occasion d’en

qu’au général Braun, peuvent cir- | prendre connaissance. »

Un memorandum de la

Il

Il ne faudrait pas oublier une autre face, non moins importante, de la question balkanique : la question albanaise. Nous pensons que notre premier devoir est de déclarer catégoriquement à ce sujet: L’Italie n’a absolument rien à chercher, ni en Albanie,ni en Dalmatie,rien du tout dans tous les Balkans. De même qu'elle y lutte contre l’Autriche-Hongrie, de même toute la social-démocratie doit s'élever contre un nouveau péril: contre l'impérialisme italien qui est d’autant plus dangereux que son support est une jeune bourgeoisie compacte, nationalement homogène, qui ferait preuve de bien plus d’aptitudes que la bourgeoisie d’AutricheHongrie à une oppression, à une colonisation et à une assimilation des contrées des Balkans occupées. — La question d’un Etat albanais est indubitablement fort compliquée. On ne saurait contester que, pour un tel Etat, de grandes difficultés résident déjà dans les nombreux restes d’une organisation surannée de tribus albanaises. Mais on ne doit pas oublier que les éléments d'une nouvelle société bourgeoise se forment dans l’Albanie méridionale et centrale et particulièrement sur le littoral, éléments qui incarnent la conscience nationale et l'aspiration vers une organisation politique moderne, vers une union de tous les peuples albanais. Il faut savoir en outre que parmi tous les obstacles à la création et au maintien d'un Etat albanais réellement indépendant, la situation économique féodale est le plus grand. Cette situation, avec l’influence nuisible qu’elle exerce, ne peut être comparée qu’à celle de la Roumanie. Abolir cet état de choses signifie anéantir le particularisme féodal, le pouvoir illimité des seigneurs féodaux d'autrefois, qui, pour maintenir et défendre leurs privilèges, livrent très souvent le pays aux étrangers.

Social-démocratie serbe

Un Etat albanais indépendant présente, sans doute, une très grande difficulté, surtout les premiers temps. Toutefois, il serait plus dangereux encore de partager l'Albanie entre deux Etats voisins: entre la Serbie et la Grèce, ainsi qu’on l’a proposé dernièrement de divers côtés. Les Albanais, tout d’abord, constituent non seulement une autre nation, mais une autre race, et c’est pourquoi il serait fort difficile, et pour la Serbie et pour la Grèce de l’assimiler, d’autant plus difficile que leur nombre est assez grand par rapport à celui des Serbes, ainsi qu’à celui des Grecs. Ensuite, une telle situation politique dans la partie occidentale des Balkans, serait justement favorable aux intrigues de tous les perturbateurs de la paix. Pourtant, il n’est ni exact, ni conforme aux faits historiques d'affirmer que les Albanais ne sont pas capables de mener une vie indépendante ou qu'ils ne la désirent pas. Pendant la révolution serbe de 1804, les Albanais furent d’ardents soutiens de Karageorges, et, pendant les guerres de l'indépendance de la Grèce, les Albanais jouèrent un rôle très important. Et, lorsque l’homme d'Etat serbe Ilia Garachanin, vers 1860, soutenu par les révotionnaires bulgares, déploya une activité infatigable pour l’organisation d’une fédération des Balkans, qui devait d’abord délivrer tous les peuples balkaniques du joug turc et ensuite les unir politiquement, il trouva également auprès des cheïs du peuple albanais, autant de compréhension que de bienveillance.

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Nous demandons, pour la Belgique, la reconstitution, l'indépendance complète à tous égards et une indemnité de la part de l'Allemagne. Quant à l’Alsace-Lorraine, un plébiscite doit être organisé après la conclusion de la paix qui devra décider de la situation politique de ces deux provinces.

Ce que nous avons dit de la question serbe s'applique également à la question polonaise. La seule solution raisonnable est l'union politique en un Etat indépendant des trois tronçons du peuple polonais. La libération politique de cette noble nation sera un gain considérable pour la civilisation et pour le socialisme. En ce qui con” cerne les tentatives de transformer en un Etat indépendant seulement la Pologne russe, nous sommes d'avis que ce ne serait guère un gain pour la Révolution russe, et, dussent leS questions polonaise et serbe attendre jusqu’après la guerre leur solution définitive et juste, il vaudrait mieux que la Pologne russe devînt une partie autonome dans la grande Fédération démocratique russe répüblicaine.

La Finlande et l'Ukraine doivent également devenir des parties autonomes de la grande démocratie fédérative russe.

* La Finlande et l'Ukraine sont appelées à soutenir la Révolution russe par leurs forces démocratiques et socialistes, si nombreuses et si développées, à la défendre contre les ennemis intérieurs et extérieurs, et non à l’affaiblir, à la briser, elles aussi, par leur séparatisme nationaliste. .

” L'Arménie est liée à la Turquie uniquement par une mer de sang d'innocentes victimes et par les plus cruels souvenirs. Ce peuple sympathique, actif et énergique, si apte à la civilisation, doit au moins être délivré de la barbarie turque. Que l’Arménie se constitue en un Etat indépendant, ou ce qui, selon notre opinion est mieux encore, qu’elle se joigne à la République russe, où elle jouirait des mêmes droits que les autres membres.

L'Irlande doit, elle aussi, recevoir sa liberté et son indépendance politiques, dans une fédération démocratique avec l’Angleterre. Le principe du droit des peuples de disposer d'eux-mêmes doit également s’appliquer aux colonies. C’est pourquoi nous demandons pour les indigènes des colonies une administration autonome, une émancipation politique complète, mais seulement pour ceux qui sont aptes déjà à une vie politique indépendante, les Indes, l'Egypte, le Transvaal.

(à suivre.) Douchan PorovircH,

secrétaire du parti socialiste,

T. KATSLEROVITCH, député.

Les Magyares et les Bulgares

Le Dr J. Georgofîf, professeur à l’université de Sofia, publie dans le « Pester Lloyd » du 20 novembre un article intéressant au sujet de la fraternité magyaro-bulgare et

.des buts communs aux Bulgares et aux

Magyars tant au cours de la guerre, qu’après celle-ci.

Le professeur bulgare prêche une intimité cordiale entre les peuples de l'Europe Centrale.

« C’est ainsi, dit Georgoff, que l’impératif politique immédiat pour les peuples de l'Europe centrale, pendant comme après la guerre, exige leur étroite alliance pour pouvoir défendre leur situation contre tous les ennemis éventuels. ;

« Dans cette alliance centrale, continue le professeur bulgare, les Magyars et les Bulgares, plus que tout autre peuple, se trouvent liés les uns aux autres. Dans cette grande alliance de la communauté mitteleuropéenne, qui comprendra de grands et de petits pays, la Hongrie et la Bulgarie pourront mieux s'entendre que les autres membres de cette alliance. »

Pour atteindre complètement leurs buts, les Bulgares ne peuvent nulle part trouver une aide plus efficace que chez les Magyars. D'accord avec ces derniers, les Bulgares peuvent s'entendre ensuite avec la Monarchie d’après un programme arrêté, programme que les autres alliés devront aussi accepter.

Convaincu que les intérêts vitaux de la Hongrie exigent que, dans son voisinage immédiat dans les Balkans, se trouve une Bulgarie forte, obligée de marcher à l’avenir côte à côte avec la Hongrie, j'espère que les Magyars adhèreront à notre point de vue en parfaite compréhension des choses. Quoique l'entente dont je parle soit avant tout dans l'intérêt de la Bulgarie, je suis persuadé que la Hongrie en retirerait d'immenses profits.

« Nous devons obtenir une frontière commune avec la Hongrie. Ainsi, nous incorPorerions à notre pays les régions qui ont été bulgares dans le passé et qui n’appar-

| tiennent à l'Etat serbe que parce qu’elles

ont participé à la révolution des Serbes contre les Turcs, lors de la formation de la Serbie. Il en est de même des pays à l’est de la Morava... La frontière commune avec la Hongrie rendra le contact de nos pays beaucoup plus intime et contribuera à leur

Dimanche, 30 Décembre 1917 - N°52 |

fusion. Par ce moyen, on résoudra aussi … d’une manière heureuse cette autre ques. tion importante (non pas seulement ay point de vue économique) qui veut une

liaison directe entre Budapest-Sofia-Cons. tantinople passant exclusivement à travers des pays amis, car quoi qu'on puisse pen. : ser des rapports futurs entre les peuples, on ne peut jamais compter que la Serbie pourra être détachée du groupe ennemi, de l'Entente, pour adhérer au groupe de PAL . liance centrale. Etant donné qu'on ne peut pas compter sur ce fait, l'alliance centrale courrait toujours le danger d’être coupée en deux au cas d’un nouveau conflit euro- | péen. On doit se prémunir contre de tels dangers. » 4

LA POLITIQUE EN AUTRICHE-HONGRIE

Les deux désirs de la Monarchie

La « Neue Freie Presse » du 12 décem-. bre expose ce que la Monarchie attend. d'une paix prochaine : « Vienne et l’Autriche one besoin d’un traité de paix qui leur garantisse les excédents de céréales et de bétail de la Roumanie et de la Serbie, par des clauses qui ne puissent pas êtré abolies par les hasards d’un traité de com- … merce ordinaire. Personne en Autriche ne | veut conquérir des terres et personne ne . veut ici imposer en Roumanie et en Serbie | tel ou tel président du Conseil. La Hongrie : ne veut à aucun prix que les Roumains et les Serbes voient leur nombre augmenté

dans la Monarchie et il ne serait pas ne 4

difficile de tomber d'accord sur ce poin

avec Lénine. Mais des raisons économiques veulent que nos relations futures avec les pays du bas Danube soient délimitées de façon définitive, afin que les excédents er produits alimentaires soient dirigées sur … Vienne et sur l'Autriche. Les conditions de paix du peuple sont que la victoire doit lui assurer Son pain de chaque jour, abaisser … les prix en Autriche, ouvrir les frontières de la Monarchie à l’agriculture des Bal … kans, poursuivre le rapprochement éco: nomique avec la Serbie et la Roumanie, … et protéger Vienne contre tout souci alimentaire. » À

NOUVELLES DE LA SERBIE ENVAHIE

Les otages en Serbie

L’ « Arbeiter Zeitung » du 18 décembre reproduit du journal « Belgrader Nachrichten », une proclamation des autorités militaires en Serbie, aux termes de laquelle la population est appelée à remettre aux autorités avant le 15 décembre, toutes les armes qu’elle possède. Les personnes qui après ce délai possèderaient encore des armes seront punies de mort. .

Pour plus de sûreté, les autorités mili- | taires prendront dans chaque localité un

. certain nombre d’otages et si la sécurité se M

trouve menacée du fait que quelqu'un pos sède des armes, en dehors des coupables, « on fusillera ou on pendra les otages, sans jugement. En outre, le village ou la com- * mune devront payer jusqu’à 10,000 cou- : ronnes d'amende. |

L’ « Arbeiter Zeitung » ajoute que «le : prélèvement des otages et leur condamna- : tion pour des faits qu’ils ne sont pas à même d'empêcher, dépasse la mesure de tout ce qui est nécessaire même pendant | la guerre. »

Nous reproduisons cette information sans aucun commentaire, car elle parle d’elle- » même. |

La terreur bulgare

Dans le « Vilag » du 9 décembre, M. Oscar Jaszy, le sociologue pacifiste hongrois, rend compte des résultats d'un des récents voyages effectués par lui en Serbie: … On y trouve un témoignage nouveau du … régime terroriste bulgare en Serbie, qui est \ d'autant plus important qu'il émane d'un . Magyar, allié bulgare. Ds

« Lorsqu'on parle — écrit Jaszy — des . soulèvements serbes, ou bien on fabrique | de propos délibéré des fausses nouvelles, : ou bien on met simplement à notre compte les combats des bandes qui se sont dérou- » lés sur le territoire conquis par les Bulgares. Les combats sur le territoire bulgare » sont dus à des soulèvements sérieux. Au. mois de décembre de l’année passée et at. mois de mars de cette année, ce furent de véritables batailles et les Bulgares durent demander des secours austro-hongrois et allemands. Pendant les derniers combats, il y avait 5 à 6.000 comitadjis qui menaçaien déjà la ligne de Nich, de sorte qu'il a fallu engager avec eux des batailles rangées » afin de les tenir en échec. Il y en a qui. affirment que ces combats ne sont que les | résultats de la haine séculaire bulgaro-serbe et du régime excessivement impi° toyable des Bulgares. »