La Serbie

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forte, ni le vif sentiment de révolte si nécessaire dans les luttes sociales contre les oligarques, les Ruthènes, ce peuple pieux jusqu'au mysticisme et résigné à la pire soulfrance, se sont vus dépouillés de tous leurs biens. Les maîtres magyars, les comtes et les barons se sont installés sur leur patrimoine et se sont servis des Ruthènes comme d’une main d'œuvre très bon marché qu'ils ont exploitée selon toutes les règles de l'exploitation seigneuriale. Dans les trois départements habités par les Ruthènes, à Maramaros, Ung et Bereg, il y a neuf propriétaires fonciers qui possèdent 1.085 544 arpents de terre (un arpent = 0,5754 hectares), tandis que l’émigration des Ruthènes s'élevait en 1914 pour 1,000 habitants: dans le département Ung à 12.3 et dans le département Bereg à 94; par contre la moyenne de l'émigration de toute la Hongrie était de 4.5. Pendant treize ans, de 1900 à 1913, 60,212 Ruthènes ont émigré de Hongrie bien que les autorités aient accumulé toutes les entraves possibles.

De tous les habitants de la Hongrie, le pour cent des Ruthènes était en 1910 de 2.5. Le pour cent des enfants ruthènes obligés de fréquenter les écoles et qui ne les fréquentaient pas accusait 8.1. En effet, des 381,117 enfants de toute la Hongrie obligés de fréquenter les écoles et qui ne les fréquentaient pas, le nombre des enfants ruthènes était de 30.721.

Sur 100 décès le médecin a constaté la mort dans les départements de Maramaros dans 23.7 cas, dans celui d'Ung dans 29.8 cas et dans Bereg dans 35.8 cas. La mortalité infantile des Ruthènes est au-dessus de la moyenne. Tandis qu'en Hongrie sur 100 décès le nombre d'enfants morts au-dessous de sept ans était de 44.1, chez les Ruthènes ce nombre était de 48.7.

Nestor Dudinszky, un renégat ruthène magyarisé, a écrit un livre intitulé justement « Au pays des esclaves », où il décrit la vie des Ruthènes. Nous citerons quelques phrases de ce livre d’après une revue magyare. Ces quelques phrases jetteront une triste lumière sur le sort misérable des Ruthènes.

« Dans les écoles on apprend le magyar aux enfants, mais à la fin l'enfant ne sait ni le magyar ni le russe, mais il vit comme une bête. »

« Nos Ruthènes n’ont pas de nourriture spirituelle. Quant à la nourriture physique elle se compose de pommes de terre, haricots, farine cuite à l'eau et dans la plus grande partie de la Verhovina de pain d’avoine. La viande, ils la voient seulement, et cela quand une fois par an ils descendent dans la ville et passent devant une boucherie. »

« Si le Ruthène est heureux, il boit; s’il est triste, il boit; s’il a un peu d’ argent, il boit également. »

« Dans cette région si l'on ptit une usine (ce qui arrive rarement), on emploie des ouvriers étrangers, parce que le Ruthène vu sa constitution corporelle misérable n'est pas CHpARIÉ d'un travail pénible et prolongé...

« S'il n’a us de terres ou s’il en a, il en a très peu. RU ei aux comtes, aux barons et à l'Etat.

« Quant à la HE hélas, on n’en peut trouver chez les Ruthènes… Le Ruthène n’a pas d’ étable, peur en construire il faut du bois qu’on ne peut trouver que chez les comtes où chez l'Etat à un prix très élevé. Il fait comme il peut — il habite nyee ses bêtes. »

…IIs doivent voter pour le candidat A qui vote le garde forestier, sinon l'Etat leur refuse le bail du pâturage.

« La plus grande partie de la jeunesse de Verhovina est crétine, boiteuse, sourde, muette et dégénérée. Dans beaucoup de cas l'immoralité est la cause de cette dégénérescence, mais celle-ci est aussi le résultat de la misère.

« Et ce qui pourrait les instruire, les journaux, est une notion tout à fait inconnue. lis ne Savent pas parler le magyar ni savent lire le russe, car le peuple ne sait pas lire et vit dans la plus sombre ignorance psychique, à quoi s'ajoute la terrible misère matérielle. »

. « La situation est la même qu'elle était avant 1848. Le serf existe encore: le Ruthène. La seule différence est qu’alors il

espérait encore, mais g'aujourd'hui il n’es-

père plus.

« Le Ruthène vote sur l’homme, sur le bâton, sur le se (Dans 'la majorité des cas sur le bœuf). »

N'est-ce pas un coin du sombre moyenâge, cette douce terre où les Magyars dirigent la destinée des peuples ?

Le triste état des Ruthènes_ autant que celui d'autres peuples tient du régime qui règne en Hongrie, Une poignée de grands propriétaires organisant les forces des Magyars proclament l’idée que seule leur do-

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mination incontestée saura Sauver la Hongrie des Magyars. « Celui qui possède la terre est le maître du pays, » disait encore hier le président du Conseil du gouvernement démocratique. Et en effet tant que la poignée organisée d’oligarques puissants règnera sur la Hongrie, les Magyars seront les maîtres de la Hongrie. Mais si un jour leur règne touche à sa fin, ce sera

hot la fin de l'Etat national magyar, unitaire et millénaire ».

Cependant pour supprimer la domination inhumaine des oligarques, il n’y a qu'un moyen et c’est celui de délivrer complètement les peuples non-magyars et laisser les Magyars ne régner que sur eux-mêmes.

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Un mémorandum de la Social-démocratie serbe

III

Nous sommes pour la fondation immédiate d'un ordre international supérieur dont lés éléments fondamentaux sont un tribunal d'arbitrage international, une enquête obligatoire en cas de conflits, etc. Toutefois, en ce qui concerne les sanctions d’une telle organisation internationale, nous ne les plaçons pas tant dans une Fédération des Etats ou dans une Société des Nations — ce qui supposerait une collaboration, une solidarité de toutes les classes de la société pour le maintien de la paix que dans une ferme organisation internationale des prolétariats, dans une internationale sociaiiste avec plus d'union‘dans les idées, dans les sentiments et dans les actions que jusqu'à présent; c’est là que nous voyons une sûre garantie de l’existence d’un nouvel ordre international. Elle peut et elle doit assurer la paix par un énergique et infatigable contrôle des gouvernements, et par une lutte des classes inlassable contre la société capitaliste, dont les intérêts antagonistes ne sauraient être ni conciliés, ni satisfaits, même par une organisation internationale parfaite.

Nous demandons ensuite un désarmement général sur terre et sur mer; c'est là, d’ailleurs, la seule issue de la terrible crise financière et économique née de la Sucre. | actuelle.

Liberté entière des mers et des détroits. Internationalisation de toutes les routes mondiales et de tous les ports mondiaux.

La suppression des obstacles politicocommerciaux entre les peuples. Dans les Etats encore insuffisamment développés |. économiquement, les douanes ne peuvent avoir qu'un caractère provisoire de protection. Toutes les colonies doivent rester ouvertes à une rivalité économique et culturale générale des peuples.

Les bases de la législation sur la protection ouvrière doivent devenir un objet du nouvel ordre international.

* * *

Il est temps que tous les partis socialistes prennent énergiquement position contre la guerre qui a perdu tout son sens et qui, dans certains pays, puise encore une certaine force dans les énormes et inépuisables réservoirs moraux des mouvements socialistes seulement. C'en est assez de trois longues années de tristes expériences patriotiques. À présent que le masque nationaliste est tombé des deux côtés et que des conquérants cyniques se sont révélés d'innocents « défenseurs », nous devons faire notre devoir nous aussi : c’est-à-dire voter contre les crédits de guerre, nous retirer des ministères, surtout rompre avec cette hypocrite paix intérieure, afin de réaliser la vraie paix des peuples.

* * *

Nous sommes contre l’idée de discuter la question de culpabilité à la conférence générale; nous voulons dire que ce n'est pas seulement maintenant que les socialistes ont à trouver le vrai coupable, il nous était connu à nous tous déjà avant cette guerre ; nous étions unanimes à ce sujet et c'es! pourquoi nous avons tous mené une guerre générale contre lui. Cependant, lorsque la guerre éclata, on accepta de tous côtés une méthode douteuse et on commença à chercher et à voir l'ennemi principal du prolétariat et du socialisme dans tel ou tel Etat, au lieu de le chercher et de : le voir dans l'ordre de la société capitaliste existant. La question diplomatique secondaire de la responsabilité momentanée devint la question capitale de tout le, socialisme et ainsi tout débat socialiste sur la question: qui est coupable de la guerre ? devint le moyen le plus approprié à une prolongation du conflit et encouragea Îles excitateurs à la guerre, les chauvins et les impérialistes dans les deux camps belligérants. Nous ne devons, par conséquent, rien attendre pour la paix, d’un tel débat auquel doit être vouée toute la conférence de

Stockholm:

: Toutefois, une discussion à ce sujet, dût-

elle surgir, elle ne saurait avoir un certain sens que si les socialistes des divers pays

viennent ici non en défenseurs, mais en accusateurs de leurs gouvernements, non pour dissimuler et atténuer la part de vérité qui revient à leur pays, mais pour parler franchement et clairement. En ce cas seulement, la question de la responsabilité aura un effet salutaire; en ce cas seulement, la diplomatie secrète internationale subira le dommage et le prolétariat international aura le profit.

* * _*

Comme socialistes d’un pays se trouvant dans le camp de l’Entente, nous tenons aussi pour notre devoir d”’ adresser un appel aux partis socialistes des autres Etats de l'Entente, de soutenir fermement l’action de paix commencée par la Révolution russe, afin de rendre possible la réalisation de la conférence de Stockholm.

La Serbie est, à coté de la Belgique, le plus atteinte dans cette guerre, davantage que n'importe quel autre pays de l'Entente, et ses intérêts vitaux les plus importants sont en jeu. Pourtant, nous ne pouvons concevoir l’enthousiesme belliqueux des socialistes de certains pays de l'Entente. Chaque jour, nous nous demandons : comment cela se peut-il que cette guerre qui — à part certains mouvements nationaux secondaires — est impérialiste par excellence et a été causée par les intrigues et les intérêts du capitalisme international, comment cela se peut-il qu’elle tire ses forces vitales des meilleurs éléments du socialisme international, sans lesquelles elle serait devenue impossible depuis longtemps ?

Aujourd’hui, où la victoire de la Révolution russe dépend complètement de la paix et où la prolongation de la guerre signifie sa mort, cette question reçoit double droit. On ne peut demander que la Révolution russe qui est portée par les masses prolétariennes, se mette au service de l’impérialisme belligérant des Etats de l’Europe occidentale. Tout au contraire, la Révolution russe a tout droit de demander aux socialistes de l'Europe occidentale d’exercer une pression énergique sur leurs gouvernements pour hâter la paix et pour sauver ainsi l'énorme acquisition démocratique et socialiste si heureusement réalisée en Russie et si important pour le monde entier.

Pour la Social-Démocratie serbe :

Douchan PorovircH, secrétaire du parti. T. KarzLérovircH, député.

Les Serbes à la Maison-Blanche

La mission serbe composée de M. Ves- ! nitch, ministre de Serbie à Paris, chef de la mission, M. Lozanitch, ancien ministre du commerce, général Rachitch, délégué serbe auprès du grand quartier général français, le prélat Nicolaï Vélimirovitch, membre de la Croix-Rouge serbe, et le colonel Nénadovitch, attaché militaire à Berne, est arrivée Je 93 décembre à Washington, accompagnée de l'envoyé spécial du ministre des affaires étrangères américain.

Elle a été reçue solennellement à la gare par M. Lansing et les fonctionnaires du ministère ainsi que par une nombreuse assistance pleine d'enthousiasme.

La mission a rendu le même jour une visite officielle au ministre des affaires étrangères. M. Lansing a exprimé en son nom et au nom du gouvernement américain les plus chajeureuses sympathies pour la Serbie et sa juste cause. M, Vesnitch a remercié, déclarant que les Serbes et leurs conationaux, après des siècles de souffrances dans la lutte pour la liberté, sont heureux de pouvoir compter sur l'assistance américaine pour leur libération. Il a remis en même temps à M. Lansing une lettre de M. Pachitch, président du conseil, qui montre en détail la nécessité d’une solution favorable. M. Vesnitch a été reçu ensuite par le président Wilson en présence de M. Lansing et de M. Mihalïiovitch, ministre de Serbie aux Etats-Unis. La réception à duré plus d’une heure et a été très cordiale. M. Vesnitch a remis au président Wilson

D Dimanche, 6 Janvier 1918 - No] "1

ee mener ee Sem ae

k.

une lettre autographe de ue de AN A. R. le Prince héritier Alexandre et exposé les causes des malheurs de la Serbie, qui sont dans s régime démocratique que ses voisins ‘el tionnaires et rapaces ne pouvaient pas to. lérer. M. Vesnitch a exprimé également Ja. reconnaissance du peuple et du £ouverne. ment serbes pour l'aide matérielle et mo.” rale que l’Amérique a consentie à la Sen bie, insistant sur le fait que les Serbes sont particulièrement reconnaissants au prégi. dent Wilson pour sa demande qu’un régime nouveau soit institué dans le monde, fonde . sur la justice, la liberté et l'honneur. M. Ves- - s nitch a exprimé l'espoir que la démocratie » des Etats Unis ne limitera pas, dans lave nir, Sa protection aux petits peuples de son continent, mais l’étendra aux petits peuples) de l'Europe qui souffrent tant de la tyrannie.

Le président Wilson a écouté l'exposé” de M. Vesnitch avec une bienveillante at tention et a déclaré que, depuis le premie jour de la guerre, l'Amérique a été de tou cœur du côté de la Serbie.

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La terreur bulgare en Serbie

Le journal hollandais « Telegraaf », du A novembre, publie un article de M. le Dr. Reiss, relatant de nouveaux faits sur le. régime barbare des Bulgares dans les” régions serbes occupées. Les Bulgares ont” soutenu devant le monde entier, dit M. Reuss, que les régions du Timok et de la. Morava étaient bulgares; il est superflu de. signaler l’absurdité de pareilles allégations, | Les Bulgares s'en sont pourtant emparés afin de se justifier du crime commis par l'incorporation forcée dans l’armée de | malheureux Serbes astreints à combattre au front leurs propres frères. Deux soldats « bulgares, occupant une certaine position et ayant séjourné longtemps dans les régions de Timok et de Zaïétcchar, ont raconté. comment les Bulgares traitent leurs pré. tendus frères. Le gouverneur de la Serbie occupée est le général Probogherov, un. homme brutal et cruel, il ordonnait à tous les commandants de fusiller les habitants qui semblaient suspects, de bannir les pa-. rents des exécutés en Asie-Mineure et de désigner ceux qui désapprouvent son régime . afin de les déporter. Par suite de la terreur, : le pays était dépeuplé et livré à l'arbitraire des soldats bulgares qui pillaient et assassinaient, sans distinction, hommes, femmes # et enfants; ainsi a Roudna Glava, district . de Donii Milanovatz, les soldats d'un régi, ment d'infanterie, commandé par le capitaine Pierre Mousakow et le lieutenant Christo Vassiliew, ont assassiné en mai 1917 une quinzaine de femmes et d'enfants.

Après le meurtre, le village fut incendié. » À Boljevatzet Bor,on a tué en mars 1917 leu plus grand nombre de personnes. Le lieutenant Koïtschew promit aux soldats de par-… tager 20.000 levas, produit du pillage, aff de réveiller leurs appétits criminels. Mécon- … tents d’avoir reçu une petite somme, les. soldats firent connaître que Koïtschew a envoyé 150.000 levas à sa famille à Plévna. « Généralement les autorités emploient sous les moyens d’extorsion, de pillages et de meurtres pour s'enrichir. Les bons (raspiskés). | pour les articles réquisitionnés ne sont jamais payés. Endossant même des vêtements civils, les soldats partaient de nuit, | Pour piller, accusant après les comitadiis, serbes d’avoir commis ces crimes. Ces. accusations servirent alors de prétexte aux officiers pour organiser des parties de, meurtre. Ainsi instruits, les soldats bulgares. ont simulé une attaque de comitadiis ser.

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bes dans les districts de Kontchevo et de

Donji Milanovatz, après quoi les soldats du . 9e, Î1e et 12e régiment, sous le commañ-" dement du colonel Kastow, reçurent l’ordre

de procéder aux exécutions en masse, afin

de réprimer le soulèvement. Habituelle-. ment, les habitants du village rebelle une

fois rassemblés, recevaient l’ordre de pren: | dre leur argent avec eux avant de partir

pour la Bulgarie. Cela fait, les soldats les tuaient et dépouillaient les cadavres de tous les objets précieux. L'Etat bulgare coniis. quait les biens des déportés. En juillet, le, colonel Tassow remplaça le général Proton gherow. Tous les Serbes de 18 à 32 an5. furent incorporés à l’armée. L'arrondisse, ment de Kladow donna 170 hommes; un bataillon formé des Serbes fut envoyé

Gjoumaltchina, les autres en Bulgarie. CES agissements des Bulgares constituent une honte pour l'humanité et devraient être. condamnés par le monde entier. Uné protestation contre les atrocités commi, ses par ces barbares contribuerait, SU, vant l'auteur, à ce que ces derniers respe® » tassent davantage les règles de la civilisa* À tion moderne. a il Imprimerie Reggiani, Rue du Diorama, 16