La Serbie

| Samedi 6 Juillet 1918

Ne 24

VISION

PLUS CLAIRE

kprès les déclarations de M. Lansing

Monsieur Lansing, secrétaire d'Etat a fait le 28 juin, le jour anniversaire de la bataille de Kossowo, la déclaration puivante :

« Depuis la publication, le 29 mai, par le gouvernement américain de la déclaration relative aux aspirations à la liberté nationale des Tchéco-Slovaques et des Yougoslaves, les gouvernements allemand ket autrichien et leurs partisans se sont efforcés de donner à cette déclaration une signification volontairement erronée et de falsifier manifestement son interprétation. Pour qu'aucun malentendu ne soit posSible au sujet de la signification de ladite déclaration, je la complète aujourd’hui en annonçant que l'attitude adoptée par les Etats-Unis est que toutes les nalionahités de race slave devraient être complètement libérées du joug austro-allemand, »

La déclaration de M. Lansing diffère sensiblement de la déclaration si discutée de Lloyd George dans laquelle le MinistrePrésident britannique disait que le démiembrement de l’Autriche-Hongrie n’a jamais été poursuivi par la politique britannique et qu'il ne rentre pas dans les buts de guerre anglais. IL est évident cependant que la possibilité accordée aux peuples tchéquo-slovaque et yougoslave de déterminer eux-mêmes, selon leur volonté, leurs statuts politiques futurs, suppose comme prémisse logique le démembrement de la monarchie des Habsbourg.

Les déclarations antérieures portaient le vice habituel des déclarations diplomatiques: il leur manquait une forme claire, ferme, solennelle et résolue. L’art diplomatique n’admel pas le jeu cartes sur table, les voies directes, les pensées lucides et Les positions bien déterminées. La situation dipliomatique se trouve dans une évolution conlinuelle; elle varie et se transforme sans cesse. [Les points de départ du jeu changent eux aussi; les destinations se déplacent également et les combinaisons politiques et diplomatiques dictées par les intérêts en cause, s'adaptent continuellement aux circonstances.

Il paraît cependant que le démembrement de l’Autriche-Hongrie avait presque partout des partisans tempérés et quil ne fut pas conçu comme une nécessité historique urgente et comme un devoir des puissances de l’Entente. Plus qu'un devoir moral, il devrait être conçu comme un intérêt réel, bien pesé et bien mesuré. En faveur de la conservation de lAutriche-Hongrie, rien ne parle, aucun intérêt, aucun facteur, sauf peut-être la préoccupation de risquer, pour ainsi dire, un saut dans les ténèbres. En envisageant ces risques, on se livre à des combinaisons fantastiques et les hypothèses les plus variées et les plus étranges sont considérées comme des faits réels. Dans la question du maintien de cet Etat qui est en réalité une prison pour toutes les populations qui l’habitent, il faudrait entendre d'abord et premièrement les voix des peu-

ples, qui ne sont qu’une protestation sollen- .

nelle, insistante, continuelle et lorsque ce

‘d'infanterie,

ne sont pas des protestalions, ce sont des lamentations, des cris de douleur, des gémissements de mourants. Si cependant dans cette guerre sanglante où l’on lutte pour la libération des petites nations ppprimées et pour l'établissement d’un meilleur état de choses, plus juste ‘et plus durable dans le monde entier, si de telles voix venant d’Autriche-Hongrie ne suffisent pas aux puissances alliées, que l'on regarde les faits et qu'on entende leur langage. Voici les faits:

L’Autriche-Hongrie, pour pouvoir faire la guerre contre la Serbie, a dû emprisonner un nombre considérable d’intellectuels yougoslaves et inaugurer un régime de terreur. 2

Des régiments entiers de Tehéqüo-Slévaques et Yougoslaves se rendirent pour ne pas se battre en faveur de leurs oppresseurs. Malgré les lois exceptionnelles, un referendum a été organisé dans tous les pays yougoslaves en Autriche-Hongrie et les masses compactes des populations slaves ont donné leur vote pour la liberté, l’indépendance et l’unité nationale. Dans les villages où il n’y a pas d'hommes, «les jeunes filles, les mères, les épouses kt les vieillards votent pour les absents et pour les morts »,

Partout où les circonstances le permet-

tent, les Yougoslaves ont formé des armes

de volontaires. Ils combattaient en Russie et en Dobroudja. Ils combaïtent sur le front de Salonique.

En Autriche-Hongrie, dans différentes localités, les régiments slaves se révoltent en massacrant les officiers allemands. De véritables batailles sont nécessaires, quielquefois des sièges réguliers, pour étouffer ces soulèvements. Ce fut le cas à Judendorf, en Stirie, avec le 7e régiment composé de Slovènes. De même avec un régiment tchèque à Rumburg, en Bohême, et aussi avec un régiment de Serbes en Hongrie. }

Lorsque le Parlement autrichien fut convoqué, après deux ans de vacances, l’Aur triche offrit au monde civilisé le tristé spectacle des députés tchèques et yougor slaves se rendant des prisons au ‘Parlement. [ls y racontèrent loutes les infamies commises contre eux et leurs peuples et l'écho de ces crimes retentil dans le mondé entier, malgré la censure let la fermeture des frontières.

Et que dire des manifestations el des révoltes de Prague, de Lioubiana, de toute la Bohême el de toutes les-régions yougoslaves! Pour bien caractériser l'état d'âme du peüple yougoslave par rapport à lAuz triche-Hongrie, qu'il me soit permis de citer l'épisode suivant: Le baron Bandel, secrélaire du gouverneur de la Dalmatie, le comte Atlems, disait encore en 1914: « Les fonctionnaires dalmates, y compris même ceux considérés comme fidèles, ont le matin, à peine réveillés, une penséa de mauvais augure pour l’Autriche. Au

. signature de l'accord.

déjeuner, avec leur femme et leurs enfants,

ils maudissent l'Autriche. Au bureau. parmi les collègues, ils conspirent contre l'Autriche. À l'heure du dîner ils s'insurgent contre PAutriche, L’après-midi, au café, ils démembrent l'Autriche. Lorsqu'i!s rentrent au bureau, ils continuent de jurer gontre l’Autriche. À la promenade, ils conversent contre l'Autriche: Le soir au souper, ils injurient l'Autriche. Même lorsqu'ils se mettent au lit, ils ne rêvent que de la ruine de l’Autrichle ».

Tel ‘est le sentiment qu peuple contre ses propres gouvernants! L’'Entente ne peut ét ne doit pas ne pas voir, ne pas sentir, ne pas comprendre! ; mm: ,

Que les puissances de l'Entente accueillent la main que le peuple yougoslave, cet ami sûr, leur tend, donnant dans le péril. commun des preuves d'audace, de côfscience et de fidélité. Telle est la réalité. Tels sont les faits et les sentiments d’un peuple martyr ayant la foi et regardant avec sérénité vers lavenir. Tel est l'enjeu qu'il donne. RER ee

L'échange se fera. Les déclarations catégoriques de M. Lansing équivalent à la

PEREK;

Nouvelles de Serbie

La Serbie et l'Italie

À l'occasion du troisième anniversaire de l'entrée de lItalie en guerre, M. Pachitch envoya le télégramme suivant à M. Orlando:

«Je m'empresse, Excellence, de vous. féliciter de tout cœur pour le troisième anniversaire de la grande lutte que lItalie mène, avec lant de vaillance et de sacrifices pour la victoire de la justice et pour la liberté et l'égalité de tous les peuples. J'ai le ferme espoir que la troisième année de guerre apportera au peuple italien la

-réalisation de ses vœux et de ses: aspirations

natticmales légilimes en le récompensant aünsi de tout ce qu’il a enduré au cours de cette guerre horrible et désastreuse que la barbarie ef le mépris des drcits les plus sacrés des nations nous a imposée. »

Le président du Conseil italien a répondu par le télégramme suivant:

« À l’occasion du troisième anniversaire de notre entrée en guerre notre foi dans le triomphe de la Juste cause de la civilisation s'affirme devant le spectacle’ de la ferme volonté des peuples et nctre détermination grandit devant les efforts faits par lous. les. alliés. La guerre ne peut se terminer que par la victoire de la civilisation, de l’indépendance et de la liberté des peuples. La Serbie qui à tant souffert, mais dont la conduite fut si hércïque et qui montra (ant de force vitale, verra se réaliser ses aspirations légitimes ce que scubaitent de fout cœur tous les Italiens.»

Nouveaux témoignages sur le régime bulgare

Un Serbe des environs de Vrania, qui y était pendant l’occupalion bulgare et qui fut amené à la forteresse pour y travailler,

réussit à s’échapper et regagna les lgnes .

serbes. Il décrit de la façon suivante le massacre que les Bulgares organisèrent en Serbie pour étouffer la révolte du printemps 1917, provoquée par le recrutement forcé des Serbes:

« Le même jour où les insurgés, qui protestaient contre le recrutement par les Bulgares, passèrent Ristovatz, un bataillon bulgare arriva et sous prétexte de rechercher

les insurgés commença un effroyabie imassacre, mwépargnant pas même les enfants au-dessous de dix ans. Tout le monde comimeénça de fuir vers les montagnes, mais

les Bulgares tuaient tous ceux qu'ils pouvaient attraper. Et ce n'est qu'après avoir décimé la population qu’ils commencèrent la déportation en masse. Dans le désordre général je saisis l’occasion de m'enfuir | et j'ai vu que Ristovatz était en flammes, Les autres fuyards m'apprirent que les Bulgares avaient tué ma femme et une sœur. Même les villages d’où persann ne s'était joint aux insurgés subirent un massacre sans merci, Ayant été pris de nouveau à Vrania, on m'amena immédia-

| tement à la gare pour être déporté. J'ai vu là encore 2000 personnes, principalement des vieillards, femmes et enfants, nus et sans pain. Après un voyage de trois jours, pendant lequel personne m'obtint aucune nourriture, on ouvrit des wagons à Sofia et on retira un grand nombre de cadavres, + paur la plupart des enfants. Ils étaient tous morts de faim. »

(Communiqué du bureau officiel de presse serbe à Corfou)

La politique en Autriche-Hongrie

La résolution du Congrès de Prague

Le 17 mai a eu lieu à Prague une réunion politique des députés tchèques et des représentants des Polonais, Slovènes, Croates, Serbes et Italiens, La résolution suivante a 6t6& adoptée:

«Les représentants des peuples qui ont pris part à la fête du Théâtre National Tchèque et qui, depuis des siècles, vivent sous le joug ennemi se sont réunis le 17 courant pour se consulter e déclarent : |

« Notre unique désir est de faire tout ce qui est en noire pouvoir pour que nos nations, après î cette lerrible guerre, obtiennent leur libération basée sur le principe de la libre dispostiion des peuples, et puissent commencer une vie nouvelle et libre dans des Etats indépendants et leur appartenant en propre. Nous sommes tous convaincus qu'à nos nations est réservé ‘un avenir meilleur qui ne sera durable que s'il est assis sur les bases solides de la démiocratie universelle, avec le véritable et souverain règne des peuples et dans La Société des Nations qui doit recevox l'autorité nécessaire. |

Nous repoussons énergiquement tout traité non ccntirmé par la volonté des peuples. -Nious sommes convaincus que la paix qu'attendent tous les peuples et tous les Etats démocratiques sera durable et qu'elle libèrera le mionde de l'insupportable domination actuelle sur d'autres na- . tions; elle donnera aux peuples qui souffrent sous le: fardeau de l'impérialisme, la vie oommune fondée sur l'égalité, la libre disposition de sor-même et les ententes de peuple à peuple:

Nous sommes décidés à tout faire dans ce but, pour que cette œuvre soit réalisée mon seulement dans l'intérêt de nos nations, mais aussi dans l'intérêt de l'humanité entière et pour appuyer les aspirations de la civilisation mondiale, afin qu'après les cruelles épreuves de cette guerre prennent fin la continuelle et séculaire cppression internationale et le carnage humain. A leur place viendra une ère nouvelle, le règne des droits de l'homme, de la fraternité et de l'éga: lité des peuples, de l'égalité parmi les citoyens et de la véritable équité. » 4

f à,

Société Geénevoise d'Edit. et d'Impr. — Genève

FEUILLETON

Sur les eaux d’Albanie par J. DÉVETCHERSKI

+

Sur les eaux d'Albanje, sur les eaux de la: Mort, nous nous arrêticns avec mos tchetas fatiguécs. Sur-les: rives de la. Scumba, Séména. et Vcyiouch, nous nous arrêtions pour faire reposdr nes 5Ss, Il ne nous restait que Les os, la Mort &t l’honneüur het ncs glorieux étendards..

Sous les saules nous plantâmes nos orillammes el nous y restions tristes, au milieu du jour sans soleil, pendant la journée de joie divine, sans joie, Nous y restions sans pleurs et hous raicurions sans murmures el sans paroles, muels comme une grande douleur, muets comme la Grande Passion sur la croix de Jérusalem... ‘ =.

Et ceux qui mous regardaient des hauteurs avec des yeux da vipère en montrant des dents de loups, nous demandaient pour un mürteau de pain nos dernières cartouches, le prix de nos têtes. Mais nous les gardâmes, nos cartouches, et nous conlinuâmes à mourir kilencieusement,. énivrés de jeunesse et dé fierté. Et nous ne parjurâämes pas la parole virile signée de notre sang el de nos tcimbeaux au commencement de notre origine. f

Nous mourions en pensant à loi, Ô Mère, la plus heureuse sous le soleil et La plus attristée dans ta douleur imaterneïle, sans prononcer une seule parole. Nous mourions tristemént et en Silence, comme la terre qui,se tasse sur les lombeaux par les nuils pluvieuses, d'automne, mais de nos lèvres (lesséchées ne Sorlit jamais une parole plaintive, Nous mourions en: restant fidèles. bare

Et comment te trahir quand mous sommes üne ‘partié de ton cœur et que nous avons krespiré dans fon sein malérnel là beauté d'une mort glorieusel.. . : ns Ve

Si nous t'oublions, 6 Serbie, que nos enfants nous oublient, que

nous oublient les générations plus heureuses et meilleures, qui nafîtront des flots de sang que nous avons versés. Que les baïonnettes fondent entre nos mains comme la neige sous le soleil du printemps, comme la parole de ces petites âmes vendues qui nous trahirent sans jomais sentir la beauté (de l'abnégation mi la sAtis#ctiom de la souffrance pour i'humanité!..

Oh! Seigneur, grand, seul e{ puissant, Seigneur omnipollent, et éternel, plus grand que les siècles et les religions, souviens-toi du jour malheureux où la Serbie fut envahie, souviens-toi ‘des fils de Caïn quand ils disaient: «Détruisez-la, défruisez jusqu'aux. fon: dements», et verse dans leurs cœurs vides, et déserts, là goutte de dcmscience ‘de k'&mjour et d'Humanité, la goutte que tu as versée (dans les cœurs des gens justes incarnés par ta Divinke( Puissance.

Oh! fils de Caïn, fratricide, heureux celui qui t'ouvrira les yeux pour tout ee que lu mous a fait! : 1.

Heureux, mille fois heureux, celui qui avec dévouement, amènera {es enfants sur le chemin (du repentir, de la Justice et de l'amour, ainsi que nous avons suivi avec dévouement le chemin des Regret4 ét au Pardon, versant lout notre sanfidevant les pieds du Génie de

Race, qui a volontairement marché vers sa croix.

Une exposition de peintres vougoslaves à Genève

Une exposition intéressante d'un petit nombre d'artistes yougoslaves, de valeur inégale, a été louverte lauire jour à l'Athénée, dans la salle Jules Crosnier. On peut y admirer le talent remarquable de Mirko Ratchki dont la modestie excessive ne doi! pas nous empêcher de voir en lui un des premiers y'eprésem}: tants de l'art mational yougoslave Il faut regretter seulement que les créations principales de Ratchki, se trouvant ‘À l'étrange, n'aient pu être exposées. De même les œuvres de Rossanditch, pes sculptures merveilléuses en bois, né sont représentées que par [quatre chjets qui ne donnent pas toute l'expression du talent de l'arnste, Le sculpteur Vevanpwitch (Belgrade) a exposé «Les

Victimes de la Guerre», en marbre, une œuvre que nous connhis: sens déjà de Belgrade et que l'artiste a dû refaire, son atelier de Belgrade ayant été détruit par le bombardement. Le peintre Malanowitch a envoyé six paysages d'Italie et de la Riviera, pleins de vie et de soleil. £

Les quatre autres exposants (Béchevitch, Kliakowitch, Pétrovilch, Pctchek) ont donné des preuves, soit d'une originalité allant jusqu'au bizarre (Kliakovitch), soit d'une précision, parfaite dans le portrait (Potchek). Leur zèle à eux tous est très louable. Kliakovitch se fait. remarquer en outre par des dessins d'une valeur incontestable. Pre

digne d'intérêt et nous la recommandons amis el lecteurs suisses. '

UN ARTICLE SUR PRERADOVITCH. — M. Wendel, député allemand, connu par son attitude objective et impartiale en ce qui con: one les extravagantes prétentions bulgares, a écrit dans « Die Neua Zeit», de Stuttgart, un article fort intéressant sur le grand poète crGale Petar Préradoviteh à l'occasion de son 100me anniversairé, que viennent de célébrer tous les pays yiougoslaves d'Auiriqhe-

particulièrement à nos

| Hongrie. M. Wendel, après avoir donhé une courte biographie du

ae ports el patriote croate, a exposé la situation du. peupli . xG-crome décrivant les sentiments patriotiques «et les idées de re yougbslave dont s'est inspiré Préradovitch dans toutes ses

: DRE REPONSE . A M. RIZOFF, — Le fameux atlas de M. izolh, cet Essai d'une «kolossale» duperie de l'opinion euro» RSR ee découverte et déjouée par M. Wendel, vient dar Le let d'une réponse brève, mais substantielle de la part u distingué ministre de Grèce à Berne, M. Alexandri, — Une vingtaine de pag ont suffi à ce diplomate érudit pour faire crçuler tout cet édilice mal construit par M. Rizoff. La plaquettei de M. Alexandif mérite une attention spéciale pour l'échair? Lea : si ne donne sur la création de l'Exarchat buk ne ai San Stefan: i dune PUnl Stefano, ces deux points de Re ee Ja

L'exposition, malgré le mombre restreint des participants, est